Pour beaucoup, la Gaspésie rime avec mer et été. Mais la région, grande comme un petit pays, a bien plus à offrir. À commencer par les monts Chic-Chocs en hiver. Pas étonnant qu'une fois encore cette année, la Traversée de la Gaspésie ait fait escale ici... où la neige est toujours abondante.

Tout est blanc. Les rares chicots d'arbres qui émergent de l'épaisse couche de neige, complètement givrés, ont des airs de bonbons audacieux. Devant nous, le mont Albert et ses flancs accidentés créent un décor digne des grandes chaînes de montagnes. Ce n'était pas prévu, mais le soleil brille. Les Chic-Chocs ont mis leurs beaux habits d'hiver; la vue est à couper le souffle.

 

Pour accéder au sommet du mont Ernest-Laforce, à un peu plus de 800 mètres, les skieurs de la 8e Traversée de la Gaspésie (TDLG) viennent de grimper pendant 10 km. Une montée qui en valait la peine à en juger par les sourires et la valse des appareils photo, qui passent de main en main histoire d'immortaliser le moment.

La veille, pourtant, les quelque 200 participants à cette randonnée annuelle affichaient une tout autre humeur. C'est un blizzard qui les attendait en altitude, au refuge des mines Madeleine, après trois heures de grimpée. Les rafales à près de 90 km/h et la poudrerie les ont même empêchés de skier sur les hauts plateaux, ce qui devait être le clou de la journée. Nombre d'entre eux étaient rentrés un peu découragés au gîte du Mont-Albert, sous une fine pluie en après-midi.

Dans les Chic-Chocs, en terme de paysages comme de temps, une surprise n'attend pas l'autre.

C'est sans doute pourquoi la TDLG, une grande excursion de fondeurs qui traverse la Gaspésie chaque année depuis 2003, s'arrête souvent dans le parc national de la Gaspésie, au milieu du plus imposant massif de montagne du sud du Québec, avec ses sommets qui culminent au-delà des 1200 mètres. Le mois dernier, la TDLG a fait escale trois nuits au gîte du Mont-Albert avant d'entreprendre son périple de plus de 200 km jusqu'à Gaspé, en passant notamment par Port-Daniel, Gascons, Barachois et le parc Forillon.

La Traversée de la Gaspésie, c'est l'occasion idéale de découvrir la région autrement, loin de la cohue estivale des côtes. Et ceux qui essaient, adoptent. Plus de la moitié des skieurs de la TDLG, cet hiver, avaient déjà participé à l'événement, devenu un symbole de la relance touristique de la Gaspésie.

«Si on n'est jamais venu en Gaspésie, il faut voir cet endroit fabuleux, raconte Claudine Roy, idéatrice de la TDLG avec Thiéry Pétry. Et si on est venu, il y a un bout de temps, il faut la redécouvrir car le pays a bien changé.»

Dans les Chic-Chocs, les visiteurs peuvent désormais vivre toutes sortes d'expériences hivernales. Séjour en auberge de montagne, ski de fond ou raquette sur les hauts plateaux, catski dans la poudreuse... la listes des activités de la «saison morte» s'allonge chaque année (voir Un parc plus fréquenté, ci-contre).

«En créant la TDLG, on voulait mobiliser la population autour d'un événement commun, se souvient Claudine Roy. Le touriste se faisait rare en hiver. Avec la traversée, on reçoit de la visite. L'événement a des retombées économiques immédiates pour les villages, les hôtels, les restaurants et les producteurs. Et puis, cette année, la TDLG a présenté une cinquantaine de conférences pour la population locale.»

Les effets de la TDLG sont tangibles, confirme Christine St-Pierre, de l'Association touristique régionale, qui investi plus d'un demi-million chaque année pour faire la promotion des activités hivernales en Gaspésie. «La Gaspésie n'est pas fermée en hiver, et ça commence à se savoir, dit-elle. Le tourisme hivernal progresse assez rapidement. Notre région a des atouts qui justifient un déplacement.»

Les touristes sont de plus en plus nombreux, donc, en Gaspésie. Mais au milieu des Chic-Chocs, même après avoir pris le départ de l'excursion avec 200 personnes, on se sent agréablement perdu au milieu d'une nature immense et impressionnante. La Gaspésie est grande comme la Belgique, mais compte moins de 100 000 habitants. De grands espaces où passer un moment magique, ici, il en reste encore beaucoup. Comme de la neige.

UNE TRAVERSÉE PLEINE D'AVENIR

«La première année, nous étions 90 ou 100, c'était un événement à petite échelle, relate Claudine Roy, instigatrice de la Traversée de la Gaspésie. Aujourd'hui, on compte plus de 200 participants et on ne peut plus grossir, nous avons atteint la limite des capacités d'hébergement en hiver.» La TDLG est-elle victime de son succès? L'inscription coûte près de 1500$, transport, hébergement et nourriture compris. Mais, année après année, la TDLG affiche complet et doit refuser des participants. «On est à la croisée des chemins, poursuit Mme Roy. C'est devenu une grosse entreprise, mais on veut garder la dimension humaine de l'événement. On envisage donc de faire deux traversées, de lancer d'autres forfaits, toujours en misant sur un échange, une rencontre entre visiteurs et Gaspésiens.» Une stratégie qui aidera les organisateurs à accomplir leur prochaine mission: séduire les touristes européens. Ceux qui sont tentés par l'expérience peuvent s'inscrire sur le site de la TDLG, à www.tdlg.qc.ca .

UN PARC PLUS FRÉQUENTÉ

«Il y a 15 ans, l'accès au parc national de la Gaspésie se faisait à la dure, raconte François Boulanger, directeur du parc. Les excursions étaient en fait des périples réservés aux experts du plein air.» Depuis, les services aux simples amateurs de la nature se sont multipliés. «On peut maintenant transporter les bagages des randonneurs jusqu'aux refuges, on a ouvert de nouveaux sentiers», ajoute M. Boulanger. Depuis l'an dernier, Ski Chic-Chocs offre aussi des forfaits aux skieurs qui ont envie de dévaler les pentes abruptes du secteur des mines Madeleine dans la poudreuse. L'entreprise vient d'acheter un bolide suédois à chenillette qui peut en outre transporter une quinzaine de personnes à la fois pour une randonnée en raquette ou en ski de fond sur les hauts plateaux. La SEPAQ propose aussi des services de massothérapie au gîte du Mont-Albert. Conséquence: le nombre de visiteurs hivernaux a été multiplié par huit en 15 ans dans le parc national de la Gaspésie. Pas question pour autant de sacrifier la préservation des lieux. «On ne peut pas augmenter sans cesse les voies d'accès, tout ça a des conséquences, même pour les randonneurs qui apprécient le côté sauvage, vierge du territoire, constate M. Boulanger. Mais le secteur du mont Albert, autour du gîte et des mines Madeleine, a encore beaucoup de potentiel. Il y a de la place en masse pour plus de monde!»

GASPÉSIE GOURMANDE

De la morue, du saumon fumé, des algues, bien sûr, mais aussi des champignons sauvages, de la choucroute, de l'agneau et même du yack: la Gaspésie est aussi une terre de producteurs. L'association Gaspésie gourmande travaillent depuis des années à faire découvrir la région par le goût en organisant des opérations promotionnelles, en concevant une partie du menu de la Traversée de la Gaspésie par exemple, et en soutenant la mise en marché des produits régionaux. Dès l'été prochain, on pourra même partir soi-même à la rencontre des producteurs gaspésiens grâce au Tour gourmand de la Gaspésie. «Nous voulions constituer une offre touristique, raconte Audrey Simard, directrice générale de Gaspésie gourmande. Nous avons fixé des barèmes de qualité et d'accueil et le circuit sera balisé.» En suivant les panneaux routiers, vous pourriez donc tomber sur l'étonnant élevage de yacks de Jean-Guy Duchesne à Saint-Elzéar-de-Bonaventure, dans la baie des Chaleurs.

gaspesiegourmande.com

REPÈRES Chic-Chocs

Comment s'y rendre

Compter une dizaine d'heures de route à partir de Montréal.

Où dormir

Gîte du Mont-Albert, ouvert jusqu'au 5 avril: www. sepaq.com/pq/gma Auberge de montagne des Chic-Chocs, ouverte jusqu'au 12 avril: www.sepaq.com/ct/amc

Météo

Le temps est changeant dans les montagnes. S'il pleut au gîte du Mont-Albert, c'est peut-être le blizzard qui vous attend en altitude. Mieux vaut s'organiser en conséquence. La neige abondante permet généralement aux visiteurs de faire de l'excellent ski tout le mois d'avril.