L'autoritaire président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaïev, avait un projet fou: transformer une petite ville de province perdue au milieu des steppes en une capitale internationale. Coûte que coûte. Dix ans après être devenue la capitale de l'ex-république soviétique d'Asie centrale, Astana surprend autant par la modernité de sa nouvelle ville que par son extravagance.

Du haut de la tour Baïterek, le monument emblématique de la ville censé représenter l'arbre de la vie selon une légende kazakhe, le visiteur n'en croit pas ses yeux. Si pratiquement aucune végétation ne pousse dans les steppes, il faut croire que les gratte-ciel, eux, y prennent facilement racine!

 

À perte de vue, des édifices flambant neufs à l'architecture tantôt occidentalo-russo-asiatique, tantôt futuro-kitsch, s'étalent sur toute la rive gauche de la rivière Esil. Des dizaines de grues s'activent autour d'autres squelettes de bâtiments.

Sur l'autre berge, la vieille ville, appelée Tselinograd sous l'ère soviétique, commence elle aussi à être envahie par les nouveaux immeubles commerciaux et à logements. Le soir, par temps froid, elle reprend toutefois son air provincial de pays en voie de développement, alors qu'un nuage asphyxiant de fumée de charbon l'envahit. Les embouteillages quasi permanents viennent compléter la pollution de l'air dans cette partie de la ville qui n'a pas été conçue pour absorber le décuplement du parc automobile au cours de la dernière décennie.

De 1997 à aujourd'hui, la population d'Astana - qui signifie simplement «capitale» en kazakh - est passée de 270 000 habitants à plus de 700 000! Des milliers de fonctionnaires ont dû quitter la métropole et ancienne capitale Almaty, 1000 km plus au sud, pour s'installer dans le nouveau centre administratif. Les diplomates et gens d'affaires prennent eux aussi de plus en plus la route des steppes, sans compter les Kazakhs de province et les travailleurs étrangers des autres républiques plus pauvres d'Asie centrale venus y tenter leur chance. La capitale attire et prend forme à un rythme étourdissant.

Excentricité

Le tout-puissant président kazakh a voulu pallier le manque d'histoire de cette ville autrefois anonyme en y faisant construire des monuments flamboyants qui donneraient une personnalité au nouveau centre du pays. Quitte à investir certaines années jusqu'à 8% du budget national dans le développement de la ville... Chez nous, l'ensemble de l'oeuvre serait probablement perçu comme un gigantesque troupeau d'éléphants blancs dans lequel le Stade olympique montréalais ferait pâle figure...

La ville a notamment retenu les services de l'architecte high-tech Norman Foster pour quatre projets. Le Britannique reconnu mondialement pour son extravagance est notamment le père du Palais de la Paix et de l'Entente, une pyramide érigée pour accueillir les leaders religieux du monde entier tous les trois ans.

Le Khan Shatyr promet d'être encore plus grandiose. Ce vaste complexe récréatif, une autre idée de Foster, sera littéralement une ville dans la ville. Pour s'épargner les hivers rigoureux de la steppe, les Astanais pourront venir se détendre sur les plages intérieures du Khan Shatyr, disputer une partie de golf ou encore naviguer sur des canaux. Ceux qui habiteront les immeubles voisins pourront même le faire sans sortir de chez eux, puisqu'ils seront reliés au complexe par des souterrains.

Le président Nazarbaïev, dont on retrouve les citations affichées un peu partout dans la ville, ne s'est pas négligé. Outre son fastueux palais présidentiel sur la rive gauche, il a fait construire un Musée du premier président de la République du Kazakhstan... c'est-à-dire lui-même, puisqu'il dirige sans partage les 15 millions de Kazakhs depuis l'indépendance du pays en 1991. Les visiteurs peuvent y découvrir les cadeaux offerts au bien-aimé président par d'autres chefs d'État, ou encore les propres avoirs de celui qui n'a pas manqué de s'enrichir durant son règne.

Astana dispose de la plupart des installations essentielles à une capitale, de l'aéroport international aux restaurants et hôtels chic, en passant par ses grands centres commerciaux à l'occidentale et ses parcs. Seule véritable ombre au tableau: la ville a été construite si rapidement que plusieurs édifices sont à peine complétés qu'ils tombent déjà en ruine.

Dans l'ivresse du début, le gouvernement kazakh a donné des terrains à n'importe quel entrepreneur prêt à construire quelque chose. Aujourd'hui, les responsables de l'urbanisme assurent avoir appris de leurs erreurs et promettent que le développement sera plus ordonné et de meilleure qualité à l'avenir.

La compagnie aérienne nationale Air Astana relie la capitale kazakhe à Moscou, Amsterdam, Londres et Francfort. Le voyage peut toutefois s'avérer assez cher. Le centre aérien du pays demeure Almaty. Il existe un train de nuit rapide (12 heures) entre les deux villes.