Quand Daniel et Diana, couple de trentenaires du Plateau-Mont-Royal, se paient une escapade romantique à l'hôtel, ils ne prennent pas le chemin de la campagne, ils descendent en ville.

Où vont-ils? Dans un hôtel-boutique branché du centre-ville, où ils louent une suite luxueuse (pas question de se payer une chambre économique), se gâtent au resto et se permettent quelques folies. Leur philosophie, pendant ce séjour: au diable la dépense! «Si on a le goût de vider le minibar, on le fait!» affirme Diana, mère de deux enfants en bas âge.

 

Leur but: se glisser brièvement dans la peau des «big shots» de la finance comme les quatre personnages de l'émission Les Invincibles l'ont fait dans un épisode récent. «On aime le luxe, mais puisqu'on n'a pas les moyens de vivre dedans, on se l'offre une fois par année», dit Diana.

Ce qui les attire, c'est le contraste entre l'atmosphère très design des hôtels du centre-ville et leur vie quotidienne. «Et on se sent comme des touristes dans notre propre ville. C'est vraiment plaisant!» dit-elle.

Des vacances dans sa ville? Comme Daniel et Diana, de plus en plus de Montréalais s'évadent dans un hôtel de leur ville. Chose surprenante? Eh bien non! Toutes les raisons sont bonnes pour décrocher dans la métropole: par manque de temps, pour visiter les hôtels branchés, pour redécouvrir sa ville, pour magasiner, pour rester près des enfants au cas où...

Ce phénomène d'escapade urbaine devrait s'accentuer avec la récession qui frappe la planète, pensent les hôteliers à qui nous avons parlé.

«On sent déjà que les gens sont plus prudents, mais ils veulent quand même se gâter de temps à autre. On pourrait donc les voir davantage chez nous», dit Olivier Bottois, directeur général de l'hôtel Le Saint-James, l'une des adresses les plus prestigieuses de Montréal.

La plupart des locaux, surtout des couples, mais aussi des groupes d'amis et des familles, se payent une nuitée dans un hôtel de proximité pour souligner une occasion spéciale, tel un anniversaire de naissance ou de mariage. «Mais beaucoup de gens font preuve d'imagination et s'inventent des occasions de festoyer», remarque M. Bottois.

Autre tendance importante, les clients à la recherche de l'inspiration en décoration. Avant de rénover, ils vont piquer des idées à l'hôtel. «On remarque que les gens posent beaucoup de questions sur les designers et le mobilier», constate Mme Martine Fachena, directrice du marketing à l'hôtel Saint-Paul, dans le Vieux-Montréal. Après leur séjour, ils veulent la même salle de bains ou le même type de housse.

Voyage carbone neutre

Christian et Andrée-Anne, jeunes parents vivant dans le quartier Rosemont, s'évadent plusieurs fois par année à l'ombre des gratte-ciel. Leur objectif, c'est de profiter au maximum des services de l'hôtel, comme de la piscine intérieure.

«Plutôt que se payer un restaurant à 200$, on préfère relaxer dans le confort d'une chambre d'hôtel. Avec la piscine, on a l'impression d'être dans un resort», affirme Christian, père d'un garçon de 22 mois.

Ce couple adore la simplicité d'une telle escapade: bagage minimum et pas de location de voiture à faire. Qui plus est, ils s'y rendent en métro. «On fait donc un voyage carbone neutre!» souligne cet écologiste.

Pour ces parents, c'est aussi une manière de pimenter leur vie de couple. «À la maison, il y a toujours des tâches ménagères à accomplir. Impossible de décrocher à 100%», disent-ils. Leur moment privilégié pour le faire: quand ils trouvent une gardienne!

Lors de ses escapades urbaines, Diana a pour sa part l'impression de faire quelque chose d'interdit, surtout quand c'est un jour de semaine.

«C'est excitant de se la couler douce pendant que tout le monde travaille! De plus, ça nous permet de regagner notre liberté en ville comme à l'époque où nous n'avions pas d'enfants», raconte-t-elle. On peut même jouer le jeu de la séduction et rencontrer sa douce moitié au bar de l'hôtel!

 

Les locaux veulent épater

Qu'est-ce qui distingue la clientèle locale des touristes? Les Montréalais cherchent avant tout à se gâter. «Ils optent pour des suites, se paient des mises en scène, comme des pétales de roses dans la chambre, commandent du room-service et s'offrent des massages à deux. Beaucoup cherchent à épater leur douce moitié», constate Martine Fachena.

Et contrairement aux étrangers, les Montréalais veulent aussi profiter au maximum de leur suite. «Ils arrivent tôt le samedi et repartent tard le dimanche. Beaucoup demandent des départs tardifs», ajoute-t-elle.

Bref, les visites guidées en ville, très peu pour eux.

Selon Christian et Andrée-Anne, la plupart des gens les trouvent cool d'oser voyager à quelques kilomètres de leur maison. Cependant, dans les hôtels, ça suscite parfois de drôles de réactions.

«À une occasion, quand j'ai donné mon adresse montréalaise, la réceptionniste a eu un drôle de sourire. Elle semblait convaincue que j'amenais ma maîtresse à l'hôtel!» se rappelle Christian.

Dix raisons

> Pour se faire dorloter > Pour avoir la sainte paix > Pour célébrer un événement ou faire la grande demande

> Pour souligner un anniversaire important

> Pour décrocher des tâches quotidiennes

> Pour découvrir sa ville en touriste > Pour une virée au restaurant sans s'inquiéter de son taux d'alcoolémie

> Pour trouver de l'inspiration en décoration

> Pour visiter un établissement réputé > Pour vivre un week-end de magasinage.

Une exception

Dans les hôtels du centre-ville de Montréal, la clientèle locale représente une mince portion du chiffre d'affaires, de 1 à 10% (excluant le «corporatif»). Toutefois, à l'hôtel Alt du Quartier DIX30, à Brossard, ce pourcentage bondit. «On connaît un succès inespéré auprès des gens de la Rive-Sud. À partir de 13h le samedi, les locaux envahissent l'hôtel», affirme Julie Brisebois, directrice des opérations de cet hôtel de Brossard. Un week-end à Brossard? C'est très in. Les gens de la région viennent au Quartier DIX30 pour magasiner, aller au spa, sortir dans des bars et assister à un spectacle à la salle L'Étoile. Une fois sur place, ils n'ont plus à utiliser leur voiture, ce qu'ils adorent. Outre les amoureux, beaucoup de copines y vont pour vivre un week-end de magasinage. «Les gens ont l'impression de profiter des avantages de la ville sans traverser les ponts. Ils sont également attirés par le design de notre hôtel et par le coût raisonnable d'une nuitée, beaucoup moins cher qu'à Montréal», affirme Mme Brisebois. C'est une façon comme une autre de se dépayser, sans s'éloigner de chez soi.

Photo: Martin Chamberland, La Presse

Dans l'entrée de l'hôtel Saint-Paul, un chaleureux feu de foyer vous attend.