Le Venezuela, pour celui ou celle qui n'a jamais mis les pieds en Amérique du Sud, donne un aperçu, en quelque sorte, de l'ensemble du continent. Alors que les terres arides du centre du pays laissent place à la plaine herbeuse, propre à l'élevage du bétail dans le delta de l'Orénoque, la côte se donne des airs des Antilles et l'ouest du pays nous transporte dans le monde andin. On trouve également, répartis sur l'ensemble du territoire, plusieurs monuments et édifices patrimoniaux qui rappellent la période coloniale. Le meilleur exemple est Coro, l'ancienne capitale du Venezuela, dont le centre historique avec ses murs tout en couleurs est inscrit sur la liste des sites du patrimoine mondial.

Caracas, même si on a l'impression que les montagnes environnantes l'emprisonnent et limitent son expansion, n'en compte pas moins quelque cinq millions d'habitants. La capitale du Venezuela, comme les autres mégalopoles du continent sud-américain, est une ville de gratte-ciel et de quartiers défavorisés à flanc de montagne et rappelle, à bien des égards, Rio, Bogota ou Quito. La statue de Simon Bolivar, El Libertador, le grand héros du Venezuela qui allait décréter l'indépendance du pays, se dresse au centre de l'ancienne Plaza Mayor. À Caracas, on peut visiter sa maison natale, sa maison de campagne et le Panthéon où il repose. Pas une ville, pas un village sans sa place Bolivar. Voilà ce qui semble être le mot d'ordre au Venezuela.

 

Né à Caracas en 1783, à l'époque où l'empire colonial espagnol s'étend de la Californie à la Terre de Feu, Bolivar a tôt fait, comme les nouvelles générations de Sud-Américains d'alors, d'avoir le sentiment de ne pas être Européen ou Indien et de faire partie d'un peuple à part en quête d'un pays et d'une identité propres. Sa lutte armée l'amène, de 1819 à 1825, à libérer du joug colonial le Venezuela, la Colombie, l'Équateur, le Pérou et la Bolivie et à vouloir créer un grand pays (Grande-Colombie) qui aurait pu se comparer en étendue à l'ancien empire inca. Toutefois, le rêve d'unification de Bolivar se bute aux intérêts trop divergents de la population et s'éteint avec lui. Mais ce rêve continue néanmoins de hanter les couloirs du pouvoir politique qui cherche à promouvoir la solidarité latino-américaine. On s'en inspire donc toujours, comme si les pays andins portaient toujours en eux cet héritage commun. Même aujourd'hui, quiconque aspirantà un destin politique (et Chavez ne fait pas exception à la règle) doit se réclamer de Bolivar s'il veut susciter quelque intérêt et avoir un brin de légitimité.

Expédition aux chutes Angel

Si les plages de l'île de Margarita et de l'archipel Los Roques attirent de nombreux touristes, le parc de Canaima et les chutes Angel demeurent un incontournable. C'est sans contredit l'un des plus beaux sites naturels de l'Amérique du Sud. C'est ce que le Venezuela a de plus spectaculaire à offrir.

C'est dans la région de la Gran Sabana, située à la limite de l'Amazonie, que l'on trouve les tepuys, les grands plateaux qui ont donné naissance aux chutes Angel, le Churun Merun dans la langue des Indiens. Les tepuys de la Gran Sabana sont comme des îles isolées émergeant à quelques milliers de mètres au-dessus de la forêt équatoriale, chacune ayant développé une faune et une flore endémiques.

Le parc de Canaima, situé au coeur de cette région sauvage, est le plus grand et le plus célèbre des parcs nationaux du Venezuela, et pour cause. On y va pour voir de ses propres yeux les chutes Angel, les plus hautes du monde avec près de 1000 mètres (979 mètres pour être plus précis), soit 15 fois celles du Niagara.

C'est de Puerto Bolivar, situé sur les rives de l'Orénoque à six heures de route de Caracas, que partent la plupart des avions légers pour le bout du monde. Des circuits de trois jours et deux nuits sont organisés depuis le campement de Canaima pour remonter les rapides des rivières Carrao et Churum jusqu'au canyon du Diable et aux chutes Angel. Une expédition hors des sentiers battus.

 

Photo: Le Soleil

Canaima est le plus célèbre des parcs nationaux du Venezuela.

Jour 1Un vol d'une heure en avion léger nous transporte dans un autre monde. Déjà, à Canaima, le paysage est à couper le souffle. À vol d'oiseau, tepuys et chutes d'eau, qui ponctuent le cours de la rivière Carrao, retiennent notre attention. Une fois les deux pieds bien sur terre, nous pouvons déjà, depuis le camp de base, profiter de la plage. De la lagune, alimentée par plusieurs chutes, le spectacle est grandiose et rappelle, par son ampleur, les célèbres chutes d'Iguaçu à la frontière du Paraguay, du Brésil et de l'Argentine.

Une balade en bateau à moteur permet ensuite de nous rendre de l'autre côté de lalagune et de faire une randonnée jusqu'aux chutes El Sapo où nous passons carrément sous les chutes ou sous la douche, pour ainsi dire. Une fois de retour au camp de base, le temps libre permet d'explorer les abords de la lagune et d'aller à la rencontre des habitants du village.

Jour 2

Une bonne nuit de sommeil, malgré les conditions plutôt spartiates, et nous sommes fins prêts. Après le petit déjeuner, départ en bateau à moteur en amont des chutes de Canaima pour le tepuy Auzan et les chutes Angel. Il faudra, pour y arriver, remonter pendant plusieurs heures les rapides de la rivière Carrao et le cours de la rivière Churum.

Après un arrêt près d'une cascade et d'une piscine naturelle pour le repas du midi, nous remontons à bord pour nous enfoncer toujours plus profondément dans le «monde perdu» de Conan Doyle. Nous devrons, en cours de route, mettre pied à terre pour éviter des rapides jugés trop dangereux (ou faire du portage en saison sèche lorsque les eaux peu profondes de la rivière Churum ne permettent pas au bateau de passer). La rivière Carrao se faufile entre les tepuys et offre une vue imprenable sur l'un des paysages les plus impressionnants de la planète. Des murs de quelque 2000 mètres de hauteur se dressent devant nous à chaque détour comme des forteresses imprenables. Ce trajet, au coeur du parc de Canaima, vaut à lui seul le détour.

Le bateau emprunte ensuite le cours de la rivière Churum, un affluent du Carrao. Le Churum est beaucoup plus étroit et nous faisons de plus en plus corps avec le paysage. Au fur et à mesure que nous avançons dans le canyon du Diable, l'étau se resserre. Nous approchons du but. La rivière Churum, peu profonde, présente de nombreux obstacles, mais la connaissance des lieux des deux guides et leur habileté à manoeuvrer dans ces eaux permettront d'y arriver.

Puis, dans un tournant du Churum, nous apercevons enfin les chutes Angel, un filet d'eau accroché entre ciel et terre, tantôt bien visible, tantôt flottant dans les nuages. Une fois au campement, nous profitons des quelques heures de clarté qui restent pour prendre le sentier de montagne qui permet d'accéder jusqu'au pied des chutes.

Jour 3

Après une nuit passée dans un hamac et sous une moustiquaire, nous prenons le chemin du retour non sans avoir pris le temps de porter un dernier regard sur les chutes Angel. La descente du Churum et du Carrao est plus rapide, mais tout aussi périlleuse, éliminant à coup sûr toute impression de monotonie et de déjà-vu. Dernier coup d'oeil également sur le tepuy Auyan avant de revenir au camp de base et de reprendre l'avion léger vers la civilisation.

Repères

> FORMALITÉS

Aucun requis, sauf si vous entrez au pays par voie terrestre. Le coût de ce visa est de 30 $. Ambassade du Venezuela : 32, chemin Range, Ottawa (Ontario), K1N 8J4. Tél.: 613 235-5151

> ARGENT

Le taux officiel est de 2,1 bolivars pour un 1 $. Vous pouvez, par contre, obtenir facilement le double et plus sur le marché noir, un marché qui a cours très ouvertement un peu partout au pays, que ce soit dans les hôtels ou dans la rue. Lorsque viendra le temps de payer une excursion auprès d'une agence de voyages au Venezuela, on vous conseillera d'ailleurs de changer vos dollars au noir plutôt que de payer la note avec une carte de crédit.

> TRANSPORT

Le Venezuela est un pays producteur de pétrole et le coût de l'essence est dérisoire. De fait, il en coûte 2 $ pour faire un plein d'essence au taux de change officiel et 1 $ si vous avez changé votre argent au noir. Compter 1bolivar pour vous déplacer en ville en autobus et 10 bolivars pour une course en taxi. Pour les longues distances en autocar, compter 5 bolivars par heure de trajet.

> COÛT DE L'EXPÉDITION

Le coût de l'expédition de trois jours et deux nuits depuis Ciudad Bolivar (incluant le vol aller-retour Ciudad BolivarCanaima) est d'environ 1300 bolivars, soit entre 300 et 600 $ selon le taux de change. S'il est possible, depuis Ciudad Bolivar ou Caracas, de prendre un vol pour Canaima et de visiter en une journée la lagune et de survoler les chutes Angel, l'expédition de trois jours et deux nuits permet de découvrir plus en profondeur l'un des plus importants sites naturels du monde.