Il ne faut pas avoir peur du risque si on veut participer aux fêtes traditionnelles en Catalogne.

En visitant cette région espagnole, j'ai compris assez vite que les festivités ne se limitent pas à danser la sardane dans les rues. Pour s'amuser, les Catalans préfèrent construire des tours humaines hautes comme des maisons ou encore se pourchasser avec des feux d'artifice.

Les compétitions de châteaux humains, les castellers, constituent une des plus spectaculaires traditions folkloriques catalanes. Une cinquantaine de personnes forment un roc humain à la base en s'emboîtant comme des allumettes. Le reste de la structure s'élève ensuite vers le ciel. Les participants se hissent pieds nus sur leurs compagnons en escaladant les hanches, les genoux et les larges ceintures que tous portent à la taille.

 

Par contre, le résultat est effrayant: des gamins de 5-6 ans se retrouvent juchés à 10 m de hauteur, en équilibre précaire, portés par des adolescents à peine plus âgés qu'eux! Et en cas de chute, il n'y a que les pavés pour leur servir de filet de sécurité. - «Ce n'est pas un peu dangereux?» demande-t-on à notre voisin, habillé du costume traditionnel des castellers.

- «Mais non. Il n'y a eu qu'un seul mort en dix ans. Une gamine s'est fracassé le crâne.»

Sécuritaire, en effet... Sa phrase était à peine terminée qu'une tour s'effondre comme un jeu de cartes. Les ambulanciers se précipitent. Plus de peur que de mal. Une femme a eu le souffle coupé dans l'avalanche humaine, mais rien pour l'empêcher de remonter quelques minutes plus tard.

Les flammes de la fête

À moins de s'approcher inutilement, les touristes ne risquent pas trop de blessures en assistant aux prouesses des castellers. C'est moins vrai pour le correfoc, «les feux qui courent» en catalan.

Dans un pays où les normes de sécurité existent, une course du feu ressemblerait sans doute à une forme locale du relais de la flamme olympique devant un contingent de pompiers.

Pas en Catalogne. Ici, le correfoc signifie plutôt une poursuite dans des ruelles médiévales étroites, avec des feux d'artifice plantés au bout de piques qui envoient des pluies d'étincelles sur les spectateurs.

Pour mener la danse, des dizaines de petits diablotins qui sautillent autour des spectateurs au son des percussions. Dans le village médiéval de Montblanc, la course se tient dans un décor magique: au coeur des fortifications du 13e siècle. Le spectacle des feux qui embrassent la nuit et des étoiles qui rebondissent sur des murs centenaires est à couper le souffle.

Et la bonne humeur de ces diables enflammés est contagieuse. Plus la procession avance, plus la foule est nombreuse et plus les feux pétaradent. Difficile de résister à l'envie de sauter sous cette averse incandescente.

Seul hic: nous n'étions pas vêtus pour qu'un feu d'artifice nous explose à un mètre du visage! Les Catalans, eux, portaient pantalons, longue chemise, chapeau et lunette de sécurité. L'attirail parfait pour ne pas s'embraser. Nous étions en short, tête nue...

Vous essaierez de vous tenir loin d'une soixantaine de diables survoltés qui courent dans tous les sens avec des piques enflammées! Sans trop savoir comment, je me suis retrouvée coincée dans le porche d'une porte, sans aucune issue. Les étincelles tombaient sur moi par dizaines et pinçaient ma peau comme autant de petits brûlots. Pour me protéger, je me suis drapée la tête dans ma toute nouvelle veste de plein air, 100% synthétique. Le nec plus ultra du vêtement technique. Grossière erreur. Le nylon a fondu et ma veste ressemble maintenant à une passoire... Au moins, j'ai gardé mes sourcils!