Il est midi pile. L'aimable fonctionnaire du consulat russe à Montréal chargé de délivrer les visas de séjour dans son pays se lève sans dire un mot et quitte précipitamment le petit cubicule qui lui sert de bureau.

Tous ceux qui attendent dans la file, parfois depuis plus d'une heure comme mon amie Francine qui est venue de Terrebonne ce matin-là, en sont quittes pour repartir bredouilles et revenir un autre jour. Meilleure chance la prochaine fois...

 

Normalement, le plaisir de voyager commence avant le départ. On se prépare avec un brin de fébrilité et rien ne nous paraît une corvée, même les vaccins. Mais si vous projetez d'aller en Russie, dites-vous que l'étape de l'obtention du visa ne vous donnera pas un avant-goût prometteur de ce qui vous attend au pays de Vladimir Poutine.

Au contraire, on dirait que tout est mis en oeuvre pour que le touriste ait l'impression que rien n'a changé depuis le démantèlement de l'URSS. Autrement dit, rue du Musée, là où se dresse le consulat, un petit air tout ce qu'il y a de «soviétique» continue de régner en maître.

Un conseil de base: n'arrivez pas plus tard que 8 h 30, soit une demi-heure avant l'ouverture du consulat, et collez-vous à la grille en fer forgé de façon à être parmi les premiers à pénétrer dans le bâtiment. Le matin où j'y suis allé, ce fut la cohue dès l'ouverture des grilles. Et une fois rendu à l'intérieur, hâtez-vous de prendre un numéro (comme dans un commerce).

Pourquoi agir ainsi? Parce que le guichet n'est ouvert que trois heures par jour et que vous ne pouvez pas savoir combien de temps prendront les formalités de ceux qui sont arrivés avant vous. Le candidat me précédant semblait poser problème et son cas dura bien près d'une demi-heure avant que le fonctionnaire estampille ses documents et lui donne congé.

Et si vous avez le malheur d'être deuxième dans la file d'attente quand midi survient, dites-vous que vous avez perdu votre matinée. L'aimable fonctionnaire de l'État russe qui officie derrière sa vitre sans un sourire et sans jamais vous dire un «Bonjour» ou un «Au revoir» (ni en français, ni en anglais, ni même en... russe) disparaîtra alors mystérieusement derrière la porte de son cagibi.

Si vous avez la chance de vous rendre jusqu'au guichet, votre demande de visa sera scrutée à la loupe et avec une extrême minutie, vous donnant l'impression que le défunt KGB est ressuscité de ses cendres.

Pour le reste, tout est à l'avenant pour nous rappeler l'ère soviétique. D'abord, les trois caméras à l'entrée du consulat. Puis, le décor pour le moins austère. Il fait sombre dans l'unique pièce de quelques mètres carrés où il faut s'entasser, des stores verticaux empêchant la lumière de passer à travers les quelques fenêtres. Le mobilier en bois foncé est défraîchi, carré, inconfortable. Quant au tapis, on se demande s'il date de l'époque de Staline ou de Krouchtchev. Il y a aussi un téléphone beige qui, à n'en pas douter en raison de son apparence et de son cadran, a été fabriqué bien avant le début de la révolution technologique. Une petite télévision est accrochée au mur et diffuse une quelconque émission en russe. Quant à l'accueil, peut-on dire qu'il est glacial à partir du moment où il est inexistant?

Poursuivons l'aventure. Toujours sans vous dire un mot, l'aimable fonctionnaire finit pas vous remettre une simple feuille de papier vous indiquant la date (environ trois semaines plus tard) où il vous faudra revenir chercher votre passeport (que vous devez laisser au consulat entre-temps), garni du précieux visa d'entrée et de sortie de Russie.

Lors de votre visite suivante, même rituel avec (probablement) le même fonctionnaire. Toujours aussi aimable, il s'empare de la feuille qu'il vous avait donnée la première fois et vous remet votre précieux passeport sans dire un mot. Assurez-vous alors que le visa est bel et bien collé sur une des pages de votre passeport et que les dates d'entrée et de sortie sont bien les bonnes. S'il y a la moindre erreur, cela pourrait compromettre soit tout votre voyage, soit votre retour à la date prévue en terre canadienne.

Quand on pense que cette formalité, qui coûte 75 $, devrait constituer une première vitrine de ce qui nous attend en Russie, disons que ça part mal...

Maigre consolation: cela fera un excellent sujet de conversation, une fois rendu dans l'avion, avec les autres voyageurs qui ont nécessairement vécu la même expérience.