À la mi-2008, des émissaires de la firme Carboneutre ont rencontré le président de la FTQ, Michel Arsenault, pour lui vanter leur dossier.

Selon l'information que nous avons recueillie au cours de notre enquête, les dirigeants de cette PME cherchaient à obtenir du Fonds de solidarité FTQ un financement allant jusqu'à 5 millions. Michel Arsenault est président du conseil d'administration du Fonds. Il a décliné nos multiples demandes d'entrevue.

Dans un courriel envoyé à La Presse, Jean Laverdière, conseiller aux communications de la FTQ, écrit: «M. Arsenault nie avoir rencontré sciemment des représentants d'une entreprise liée à la mafia. Vous comprendrez également que toute rencontre d'affaires d'une entreprise recherchant un partenariat revêt un caractère confidentiel.»

Quelques semaines après cette rencontre, le 19 août 2008, M. Arsenault aurait relaté cette histoire à trois personnes: Jean Lavallée, alors président de la FTQ-Construction, Bernard Girard, vice-président du comité de direction de la FTQ-Construction, et Ken Pereira, président de la section locale 1981.

Joint par La Presse, Ken Pereira se souvient des propos de l'homme fort de la FTQ. Il se rappelle notamment que Michel Arsenault a posé sur la table «trois fioles» provenant d'une trousse de démonstration de la firme de décontamination.

Au cours d'un entretien avec La Presse, Bernard Girard a évoqué de son côté une discussion autour du procédé technique novateur de l'entreprise. Il a dit toutefois qu'il ne se souvenait pas que Michel Arsenault ait identifié les émissaires de Carboneutre présents à la rencontre.

Implication de Jocelyn Dupuis

Le 19 août 2008, Michel Arsenault avait relaté cette histoire aux trois personnes citées plus haut dans le cadre d'une discussion concernant Jocelyn Dupuis, directeur général de la FTQ Construction. Ken Pereira s'apprêtait à rendre publiques ses dépenses abusives, factures à l'appui. L'affaire allait se transformer en scandale.

Or, trois sources nous indiquent que l'un des représentants de la Société internationale Carboneutre (SICN) à l'époque n'était nul autre que Jocelyn Dupuis. Selon nos recherches, Carboneutre a eu une demande active au Fonds FTQ quelque temps plus tard. Mais finalement, le Fonds FTQ n'a pas investi dans l'entreprise.

Investissement Québec était aussi appelé à contribuer, nous confirme l'organisme, qui s'est fait solliciter par Domenic Arcuri et Jocelyn Dupuis à la fin de 2008. Carboneutre a retiré sa demande en novembre 2009, n'ayant pu s'allier à un partenaire financier comme l'exige Investissement Québec.

Réunion de la FTQ Construction

Cette affaire a refait surface deux ans plus tard, le 24 août dernier, au cours d'une réunion du bureau de direction de la FTQ Construction. Tout l'état-major syndical était présent, y compris Bernard Girard et Mario Basilico, tous deux vice-présidents.

Joint au téléphone, Mario Basilico croit que «ce n'était pas la première fois que les gens autour de la table entendaient l'histoire».

Quant à Jean Lavallée, il nous a répondu qu'il n'était «pas au courant» de l'affaire et a raccroché. M. Lavallée a démissionné de la FTQ Construction en septembre 2008, tout comme Jocelyn Dupuis.

Ce dernier s'est livré à la SQ en mars 2010 après avoir été visé par un mandat d'arrêt pour trois chefs d'accusation de fraude et de fabrication de faux documents.

En mai dernier, trois entrepreneurs, dont le propriétaire d'un supermarché à Laval, ont affirmé à Radio-Canada qu'ils avaient dû verser des pots-de-vin pour soumettre leurs dossiers parrainés par Jocelyn Dupuis et Jean Lavallée au Fonds de solidarité. Dans une entrevue à Rue Frontenac, Jean Lavallé a qualifié ces allégations de «dégueulasses».

Jocelyn Dupuis n'a jamais rappelé La Presse

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