Les autorités chinoises ont dénombré 62 000 cas de production ou de vente d'aliments insalubres au pays en 2011. Lait cancérigène, huile de caniveau recyclée, melons d'eau qui explosent: les scandales traumatisent la Chine. Mais les aliments exportés au Canada sont d'excellente qualité, assure l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA).

Au moins 6 bébés morts et 300 000 autres malades. Les conséquences du scandale du lait contaminé à la mélamine, en 2008, ont traumatisé la Chine. «Je suis préoccupée quand j'achète du lait pour ma fille», a dit Dai Saijin, jeune mère rencontrée à la sortie d'un supermarché, à Shanghai.

La Presse a vu une boîte de 900 g de lait en poudre importé pour bébé, biologique, vendue 518 yuans - soit 84 dollars! - dans un supermarché de la capitale économique de la Chine. Un prix exorbitant, équivalant à 40% du salaire minimum mensuel, que des parents paient pour un produit jugé plus sûr. La boîte était munie d'un antivol, preuve de la convoitise qu'elle suscite.

À la fin du mois de décembre, nouveau scandale: du lait contenant une substance cancérigène, l'aflatoxine, a été découvert en Chine. Les ventes de Mengniu, qui domine le marché chinois du lait, ont aussitôt plongé de 30% à 40%, a rapporté Les Échos.

«La salubrité des aliments est devenue un sujet très controversé, a confirmé un journaliste d'une télévision chinoise, qui a demandé l'anonymat. Tout le monde est au courant des principaux scandales.» Si les médias (contrôlés par le gouvernement) taisent un cas douteux, l'alerte est rapidement donnée par l'entremise de Weibo, le Twitter chinois, et ses 250 millions d'abonnés.

Il n'y a pas que le lait trafiqué qui ébranle la confiance des Chinois. Environ 60 000 tonnes d'huile de caniveau - faite à partir d'huiles usées de restaurants, recyclées puis revendues comme neuves - ont été saisies l'automne dernier, selon l'agence nationale Chine Nouvelle.

La production de clenbutérol, un anabolisant illégal donné aux cochons pour diminuer leur taux de graisse (le même qui a été détecté dans le sang du cycliste Alberto Contador!), a aussi fait les manchettes. Comme les melons d'eau qui explosent (après avoir reçu des doses excessives d'engrais chimiques), le vinaigre contenant de l'antigel, la crème glacée à la mélamine et les pains mantous périmés, «rafraîchis» avec des colorants et des conservateurs. Même Wal-Mart a dû fermer 13 magasins en Chine en octobre, après avoir chèrement vendu du porc biologique... qui ne l'était pas.

Préoccupation principale des Chinois

Que faut-il penser de toutes ces affaires? «Ce sont de véritables scandales! s'est exclamé Zhan Su, titulaire de la chaire Stephen A. Jarislowsky en gestion des affaires internationales de l'Université Laval. À ma connaissance, des problèmes tels que l'hygiène des usines, les produits pollués [par des pesticides, engrais, terres contaminées aux métaux lourds, etc.] et la salubrité des produits alimentaires sont généralisés à l'échelle nationale.»

«Oui, les problèmes alimentaires en Chine sont graves, a corroboré Loïc Tassé, spécialiste des questions chinoises à l'Université de Montréal. La corruption, l'ignorance de certains producteurs et l'appât du gain font peser un véritable risque sur certains produits.»

La sécurité des produits et des aliments est d'ailleurs le premier souci des consommateurs chinois, avant même le paiement des frais médicaux et l'éducation des enfants, selon un sondage rapporté par le quotidien China Daily.

«Avec un scandale lié à la nourriture par semaine, la confiance n'est simplement plus là, a résumé Éric-Adam Gagnon, Québécois vivant en Chine depuis six ans. Malheureusement, les normes sont déficientes.» M. Gagnon, qui fournit de la nourriture aux meilleurs chefs de Shanghai, travaille à instaurer un système de traçabilité des aliments en Chine.

Plus de 255 personnes condamnées en 2011

Au cours des 10 premiers mois de 2011, la Cour suprême populaire de Chine a condamné 255 personnes pour 173 crimes d'insalubrité alimentaire, selon Chine Nouvelle. Le principal suspect du scandale du porc contaminé au clenbutérol a même écopé de la peine capitale, avec sursis.

«La Chine a beaucoup agi pour assurer la salubrité des aliments et la situation s'est bien améliorée», a assuré Wu Jiafeng, député secrétaire-général et directeur de la division internationale de l'Institut chinois des sciences et technologies des aliments, de Pékin.

«Notre grand défi, c'est que notre industrie agroalimentaire est des plus modernes, mais notre agriculture ne l'est pas autant qu'espéré, a-t-il admis. Nous avons besoin d'échanger avec des gens de partout pour connaître leurs expériences et apprendre les uns des autres.»

Vrai, le gouvernement chinois a adopté des lois visant à assurer la qualité des aliments et offert des récompenses aux délateurs, a reconnu M. Su. «Les effets sont cependant encore très minces», a-t-il estimé. La Chine compte plus de trois millions de petits fabricants alimentaires, difficiles à surveiller. «Et les sanctions restent souvent symboliques, pour des raisons de corruption ou politiques, pour favoriser la croissance économique», a-t-il ajouté.

«Les scandales sont la faute d'un très petit nombre d'hommes d'affaires malhonnêtes, a nuancé Duo Li, professeur en sciences de l'alimentation et de la nutrition à la réputée Université du Zhejiang. Ce n'est rien de grave. J'ai mangé des aliments chinois toute ma vie, et il ne m'est rien arrivé. Si vous avez des craintes, cuisinez à la maison au lieu d'acheter des mets préparés. Vous contrôlerez mieux ce que vous mangez.»