Durant l'année où il était ministre de la Justice Marc Bellemare n'a jamais fait l'objet de «pressions indues» dans le choix des candidats à la magistrature, a plaidé mardi matin Me Suzanne Côté, l'avocate du gouvernement du Québec à la commission Bastarache.

Débutant les deux jours de plaidoiries qui terminent les audiences publiques de la commission, Me Côté a récapitulé bien des faits entendus durant les huit semaines de commission qui viennent contredire les allégations de l'ancien ministre. «Les allégations de Marc Bellemare ne sont aucunement soutenues par la preuve. Il n'y a eu aucune pressions indues de qui que ce soit en ce qui concerne les juges Marc Bisson et Line Gosselin-Després», de conclure Me Côté après deux heures de plaidoyer. Dans le cas de la promotion de Michel Simard comme juge en chef adjoint, il y a bien eu intervention du collecteur de fonds Charles Rondeau, «mais cela était pour le poste de juge en chef» et non pour le poste qu'il a finalement obtenu.

Pour elle, «si elles étaient fondées», les déclarations de l'ancien ministre pourraient même l'exposer à des poursuites criminelles. Cela signifierait qu'il aurait accepté de «troquer ses responsabilités», de céder à du trafic d'influences pour des assurances quant au succès de son agenda politique, pour obtenir les réformes qu'il souhaitait. «Si c'était vrai, ce serait de très sérieuses irrégularités touchant l'abus de confiance, ce qui est couvert par le Code Criminel», a-t-elle soutenu devant la commission. En point de presse par la suite, Me Côté a bien vite mis la pédale douce sur ces possibilités de recours contre l'ex-ministre. Pour le gouvernement, les allégations «ne sont pas fondées» a-t-elle dû insister.

Pour le gouvernement, Mme Côté a pris fait et cause pour la version du premier ministre Charest, suscitant l'agacement des procureurs de Marc Bellemare dont l'intervention est prévue pour l'après-midi. «La prépondérance de la preuve montre que Jean Charest n'a pas été mis au courant des allégations de Marc Bellemare, pas plus qu'il n'a été consulté par ce dernier», a soutenu Me Côté. Elle n'a pas relevé le rôle de Chantal Landry, l'adjointe du premier ministre qui l'informait parfois des allégeances politiques des candidats à la magistrature. Les chefs de cabinet et les proches collaborateurs des ministres et du premier ministre sont aussi sous serment et le fait qu'ils soient informés du processus ne signifie pas que la confidentialité a été brisée, soutient Me Côté.

Selon elle, si les anciens ministres de la Justice parlent des juges comme étant «leurs nominations» il est clair que ces choix appartiennent au gouvernement. «Il s'agit d'une nomination du gouvernement pour laquelle il est imputable. Il ne peut certainement pas procéder les yeux fermés», de soutenir Me Côté. C'est pourquoi il est acceptable selon elle que d'autres ministres aient pu faire des recommandations ou même avoir accès à la liste des candidats jugés aptes à siéger sur le banc.

«Tout ministre de la Justice est constamment sollicité. La personne qui accepte de devenir ministre doit être en mesure de traiter les informations qu'on lui donne sans en être affectée», de soutenir Me Côté.

«Les approches faites par les personnes, des lettres de références, par écrit ou verbalement, ce n'est pas illégal ou sinistre, c'est même normal. Cela peut constituer une excellente source d'informations pour un ministre, il doit être capable de faire face à ça sans penser que c'est des influences indues.»

Recommander la candidature de quelqu'un d'autre, que cela vienne «d'un ministre, du premier ministre, d'un solliciteur de fonds, ce n'est pas illégal. Ce n'est pas interdit. Ce n'est pas sinistre...»

Elle a mis en doute les témoignages détaillés de Me Bellemare à la fin août. «Le témoin plus que parfait peut être suspect quand il relate de façon précise des faits survenus plusieurs années auparavant», a-t-elle soutenu, citant des ouvrages de juristes.

Pour elle, comme l'a soutenu Jean Charest, il n'y a pas de preuve que la fameuse rencontre du 2 septembre ait eu lieu. Au contraire, les éléments documentaires font croire le contraire, Me Bellemare était à une assemblée partisane.

Aussi, Me Bellemare qui soutient avoir eu ce soir-là des directives claires du premier ministre pour nommer le juge Marc Bisson et donner une promotion à Michel Simard «a posé des gestes tout à fait incompatibles avec les directives qu'il aurait reçues».

Le carton retrouvé par Marc Bellemare ainsi que les notes manuscrites de l'ancien sous-ministre George Lalande ne peuvent pas être retenus en preuve, selon elle. Rien ne prouve qu'ils n'aient pas été reconstitués par la suite. Bien des indices font croire qu'ils auraient pu être confectionnés pour la commission, selon elle. Les lignes qui touchent les questions abordées par la commission ont clairement été ajoutées dans un deuxième temps sur le carton où Me Bellemare a pris des notes dans les jours suivant sa démission. Quant aux post-its de George Lalande, il est curieux que les seuls pièces conservées par l'ancien sous-ministre, sept ans plus tard, soit celles qui justement viennent appuyer les accusations de Me Bellemare.