La transformation de la mission de combat des Forces canadiennes en Afghanistan en une mission de formation des forces afghanes, au milieu de 2011, permettra au gouvernement Harper de marquer des points politiques au pays, mais ceux-ci pourraient être momentanés, vu la conjoncture encore incertaine en Afghanistan.

Et, selon certains analystes interrogés par La Presse Canadienne, le premier ministre du Canada Stephen Harper n'avait guère le choix de demeurer encore un certain temps en Afghanistan, aux côtés des forces de l'OTAN, mais sans toutefois participer à une mission de combat.

Le gouvernement Harper a annoncé cette année qu'après juillet 2011, plutôt que de mettre fin à la mission comme prévu, un contingent pouvant atteindre 950 membres des Forces armées canadiennes demeurerait en poste en Afghanistan, non plus pour prendre part à une mission de combat à Kandahar, mais pour participer à la formation et à l'entraînement des forces afghanes jusqu'en 2014.

Pour ce faire, le gouvernement Harper a obtenu l'appui de l'opposition libérale, après que le chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, eut lui-même favorisé depuis des mois cette option d'une mission de formation et d'entraînement.

Mais M. Harper n'avait guère d'autre choix, au dire de Fen Hampson, directeur de l'École des affaires étrangères Norman Paterson de l'Université Carleton. «Si nous avions simplement remballé nos affaires et quitté, nous serions devenus un partenaire moins important pour Washington, et ce, même pour des dossiers qui nous tiennent à coeur de notre côté de la frontière.»

M. Hampson avance que «le premier ministre Harper lui-même, de prime abord, aurait préféré tirer la ligne et quitter» l'Afghanistan.

Mais si nous avions choisi cette voie, «nous aurions payé un lourd tribut politique face aux États-Unis», pour qui le Canada aurait perdu de l'influence. «Nous serions devenus quantité négligeable aux yeux de certains», estime M. Hampson.

Mais annoncer que le Canada transformera sa mission de combat à Kandahar en mission d'entraînement et de formation en Afghanistan n'est pas tout. Reste à savoir, et c'est là le noeud gordien, comment sera définie cette mission de formation, prévient M. Hampson.

«S'il s'agit véritablement d'une mission d'entraînement avec une formation théorique et tout, cela ne sera pas controversé, surtout face aux partis d'opposition. Mais s'il s'agit d'une mission d'entraînement dans laquelle nos soldats accompagnent les soldats afghans sur le terrain, lors des missions de combats, nous pourrions nous retrouver avec d'autres morts, d'autres blessés. Et là, ça deviendrait plus délicat politiquement», avertit-il.

Cette incertitude qui plane sur la forme que prendra cette mission d'entraînement rend les conservateurs et les libéraux vulnérables, au plan politique, parce qu'il leur appartiendra de dessiner les contours de ce que sera une mission qui ne sera pas une mission de combat.

«Nous savons que la plupart des soldats de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord) qui sont morts en Afghanistan ont été tués non pas par des tirs ennemis, mais par des bombes. Or, les bombes peuvent exploser n'importe où en Afghanistan, y compris à Kaboul», souligne de son côté Roland Paris, directeur du Centre d'études politiques internationales de l'Université d'Ottawa.

«Notre objectif doit être de voir l'Afghanistan menée par les Afghans, avec une infrastructure afghane et des forces de sécurité afghanes, qui seront assez structurées pour faire face à une insurrection talibane affaiblie, sans la présence des forces de combat américaines et de l'OTAN», a conclu pour sa part Bruce Riedel, ancien analyste de la CIA et spécialiste du contre-terrorisme, lorsqu'il participait à un forum sur la question, à Washington.

Selon lui, cela signifie que de 2011 à 2014, peu à peu, nous verrons des régions de l'Afghanistan être déclarées suffisamment autonomes, ou «assez bonnes» pour que les forces américaines et de l'OTAN ne deviennent que des forces de soutien et que les Afghans mènent le bal.