Le regard est pénétrant, la voix enveloppante. Le jeune «padre» n'a que 28 ans, mais il est aumônier de la garnison de Valcartier depuis trois ans. Sa mission: conseiller le commandant sur le moral des troupes et veiller au bien-être des militaires.

Son baptême du feu, Jean-François Noël l'a eu en 2009. Il a passé l'année à accompagner les militaires pour annoncer aux familles la mort de leur proche en mission. «Nous, on connaît déjà la nouvelle qui va bouleverser la vie d'une personne en quelques secondes. Il faut savoir quelle attitude prendre pour que, dans ce basculement radical, cette personne sente qu'il y a des gens pour l'aider, explique-t-il. La mort n'est pas naturelle. Mais ça pose la question de la guerre, du mal, de l'être humain.»

Jean-François Noël se destinait d'abord à la prêtrise. Mais il est tombé amoureux d'une femme. La vie au sein des Forces s'est imposée d'elle-même; il ne voulait pas du calme d'une vie d'agent de pastorale en paroisse. Dans l'armée, il n'abandonne ni Dieu ni l'Église.

«J'ai vu la pauvreté, la peur, le courage. J'ai vu des gens qui ont des problèmes de couple et des demandes en mariage. J'ai vu des femmes faire des fausses couches, d'autres apprendre qu'elles sont enceintes. J'ai vu tous les visages de la vie humaine.»

Le padre admet que ses contacts avec la population afghane ont été limités lors de son déploiement: représenter l'Église catholique en plein Afghanistan a de quoi froisser les sensibilités. Mais il a pu échanger avec l'imam de l'armée afghane lors de l'inauguration d'une mosquée sur la base de Kandahar.

«Deux chefs religieux qui parlent de ce qui les unit, c'est évocateur, dit-il. Souvent, on entretient l'image que ce conflit est un conflit de religion. Mais avant de parler de religion, il faut qu'on parle de justice. On tomberait moins dans les stéréotypes.»

Homme de Dieu au service d'une armée, le padre Noël a conscience «d'habiter le paradoxe».

«Mais même si on utilise des armes, en fin de compte, le but de chaque conflit, c'est la paix», répond-il.

«J'ai déjà eu des militaires qui ont dû tuer, dans des situations légitimes. Comme aumônier, on ramène tout aux situations humaines. Dans n'importe quel conflit, l'adversaire reste un être humain. On a beau l'appeler un taliban ou un insurgé, comme dans le langage des opérations, quand on est seul avec notre conscience, il n'y a pas de réponse du système, dit-il. N'importe quelle perte de vie humaine est une tristesse. Il n'y a pas de gagnant à la guerre.»