Le jugement sur le cours d'éthique et de culture religieuse sera porté en appel, même si le ministère de la Justice doit encore l'étudier, a affirmé lundi le premier ministre Jean Charest.

«Il nous semble évident que le gouvernement interjettera appel, a déclaré M. Charest en marge d'une annonce à Laval. C'est un enjeu trop sérieux qui a fait l'objet d'un débat depuis longtemps.»

Vendredi dernier, le juge Gérard Dugré a donné raison à la direction du collège Loyola, qui réclame le droit d'offrir le cours d'éthique et de culture religieuse (ECR) en lui donnant une perspective catholique, et non laïque comme le veut le programme du ministère de l'Éducation.

Le juge a écrit que l'»obligation imposée à Loyola d'enseigner la matière obligatoire ECR de façon laïque revêt un caractère totalitaire qui équivaut, essentiellement, à l'ordre donné à Galilée par l'Inquisition de renier la cosmologie de Copernic».

La ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, estime que l'imposition de l'enseignement laïque même dans les institutions privées subventionnées n'est aucunement totalitaire. «De mon point de vue, c'est excessif, comme avis», a-t-elle indiqué.

En conférence de presse lundi après-midi, le directeur du collège Loyola, Paul Donovan, a dit que le jugement lui semblait équilibré. Il n'est toutefois pas surpris que Québec interjette appel : «Ce n'est pas mauvais que la discussion continue. Je ne pense pas qu'il y ait consensus actuellement sur le rôle des institutions confessionnelles au Québec.»

Environ 750 élèves fréquentent le collège Loyola, institution catholique située dans l'ouest de Montréal. Les parents déboursent 3500 $ par année pour envoyer un enfant dans cet établissement privé, subventionné par Québec.

En bonne et due forme

Avocat au cabinet Borden Ladner Gervais, Me Jacques S. Darche a plaidé bénévolement pour le collège Loyola.

Selon Me Darche, d'autres écoles pourraient vouloir imiter le collège Loyola et demander une exemption. «Mais elles devront procéder de la même façon, c'est-à-dire en demandant une exemption en bonne et due forme», a-t-il expliqué.

Invité à expliquer comment le collège Loyola souhaite donner le cours ECR, Me Darche a donné l'exemple suivant : «Un enseignant peut demander aux élèves si, à leur avis, voler de la nourriture quand on crève de faim, c'est bien ou mal. Le professeur peut animer une discussion sur ce thème en exposant toutes les positions. Mais au collège, on veut que, à la fin de la discussion, l'enseignant puisse dire comment la religion catholique voit le vol. Le même genre de situation s'applique à des sujets comme l'avortement, par exemple.»

L'Association des parents catholiques du Québec a vivement réagi, lundi, à la décision du gouvernement d'interjeter appel de la décision du juge Dugré. La vice-présidente du groupe, Marie Bourque, a qualifié cette décision d'effrayante.

Selon elle, la liberté de croyance et de religion ne devrait pas être négociable et devrait même s'étendre à tous les élèves du Québec, non pas seulement à ceux qui fréquentent une institution privée.

Mme Bourque fait ainsi référence aux enfants qui fréquentent les écoles publiques que le gouvernement refuse d'exempter du cours ECR. Des parents de Drummondville se battent actuellement en justice à ce sujet. «Nous attendons que le jugement soit accepté à la Cour suprême. Si c'est le cas, le jugement du collège Loyola va créer une autre dynamique», prévoit Mme Bourque.

L'ADQ approuve le collège

Alors que la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a exhorté la ministre Courchesne à porter la décision en appel, l'Action démocratique du Québec a appuyé le collège Loyola. «Ce jugement me plaît», a affirmé sa leader parlementaire, Sylvie Roy, qui plaide en faveur du libre choix pour les parents en matière d'enseignement religieux.

La députée de Lotbinière associe le comportement du gouvernement Charest à du «totalitarisme bureaucratique». Selon elle, le gouvernement emploie la «méthode forte» avec cette école catholique alors qu'il préconise le «dialogue» et fait preuve de «souplesse» avec les écoles privées d'autres confessions, juives par exemple, a-t-elle affirmé.

«Pourquoi être aussi intransigeant avec une école qui respecte la loi, qui demande d'accommoder, d'assouplir certaines choses pour que ça continue à être en correspondance avec ses valeurs ? On était prêt à changer le calendrier scolaire de toutes les écoles pour accommoder certaines écoles de confession différente. Et avec cette école : bang ! On matraque, on va les poursuivre jusqu'en Cour suprême. Je me demande pourquoi c'est deux poids, deux mesures. Ce sont encore des attitudes qui vont pousser l'intolérance.»

Le gouvernement fait-il de la discrimination ? lui a-t-on demandé. «Je ne dis pas ça. Je dis qu'on est très prompt à réagir quand c'est cette confession-là (catholique) alors que, pour d'autres, il y a une souplesse. Je réclame la même souplesse.» Assiste-t-on à une «chasse aux catholiques» ? lui a-t-on demandé. «C'est à peu près ça», a-t-elle répondu. «Les parents ont l'impression qu'on diminue la valeur» du catholicisme par rapport aux autres religions dans le programme ECR, a-t-elle ajouté.