Un centre de la petite enfance propose à des entreprises de réserver des places pour les enfants de leurs employés moyennant la somme de 5000 $. Le ministère de la Famille et des Aînés estime que cette pratique est discutable.

Dans une lettre que La Presse a obtenue, le centre de la petite enfance (CPE) Nid d'hirondelle, sur la Côte-Nord, a ainsi offert à une entreprise de réserver deux places aux enfants de ses employés contre le versement d'une somme de 5000 $ par année, qui servirait à l'achat de matériel pour les enfants.

«Je ne suis pas la seule, d'autres CPE ont créé des partenariats du genre», explique la directrice du CPE Nid d'hirondelle, Roberte Clément, qui ne voit là aucun problème. «Cet argent nous a aidés à acheter des jouets», dit-elle. Elle ajoute que les jouets sont très chers et que le budget de fonctionnement versé par le Ministère ne suffit pas.

Le service de garde a proposé ce partenariat à quelques sociétés, dont l'une a accepté. Pour le moment, la directrice n'entend pas solliciter d'autres entreprises. «Je veux quand même respecter ma liste d'attente», dit-elle.

Pratique discutable

Informé de la situation, le porte-parole du ministère de la Famille et des Aînés, Étienne Gauthier, reconnaît que cette pratique est discutable: «Nous avons un malaise par rapport à cette façon de faire. C'est comme monnayer un privilège...»

La Loi sur les services de garde permet des partenariats entre des CPE et des entreprises, mais pas du type de celui qui se dessine dans cette région du Québec.

«Ça semble aller à l'encontre d'un certain principe d'équité, d'éthique aussi», dit M. Gauthier.

Le malaise vient du fait que le service de garde reçoit une subvention du gouvernement pour son budget de fonctionnement, mais se tourne aussi vers le privé pour obtenir des fonds supplémentaires.

«Fondamentalement, le partenariat qui semble vouloir prendre forme dans ce genre d'entente ne peut pas fonctionner. Nous sommes contre ce genre de pratique», affirme d'ailleurs M. Gauthier.

Le directeur général par intérim de l'Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE), Xavier de Gaillande, se dit pour sa part «troublé» par ces révélations: «Je suis surpris et troublé. Mais c'est la première fois que j'entends une histoire comme celle-là, ça ne me semble pas être une pratique répandue.»

L'offre de service des CPE repose sur des principes d'admission clairement établis, entérinés par le conseil d'administration, auquel siègent des parents en majorité, souligne-t-il. «Je suis un peu étonné qu'on trouve de telles pratiques dans notre milieu parce que cette fameuse politique d'admission est entérinée par les conseils d'administration, donc par les parents eux-mêmes.»

10 000 places réservées à des entreprises et organismes

Les services de garde sont reconnus comme des entités autonomes. Par conséquent, ils ont le droit de créer avec des entreprises des partenariats dans lesquels ils réservent leurs places, en tout ou en partie, aux enfants des employés.

En retour, l'entreprise ou l'institution peut offrir des locaux gratuitement au service de garde, s'occuper de l'entretien et du ménage ou participer financièrement à la construction d'une nouvelle installation, par exemple.

Dans ce cas, la subvention gouvernementale pour les immobilisations sera réduite en fonction de la somme versée par l'entreprise.

Ce type de partenariat est autorisé par la loi, car il ne s'agit pas précisément d'une contribution financière en échange d'une place, indique-t-on au ministère de la Famille et des Aînés.

Le réseau de services de garde compte actuellement 185 CPE qui réservent leurs places exclusivement ou en priorité à des entreprises ou des institutions. Ils sont principalement situés dans les grands centres. À Montréal, un nombre important est ainsi regroupé au centre-ville.

Au total, cela représente 10 828 des quelque 215 000 places à contribution réduite du réseau.

Des sociétés comme Hydro-Québec, Vidéotron ou la Banque de Montréal, pour ne nommer que celles-là, de même que des établissements d'enseignement et des hôpitaux ont créé des partenariats avec des centres de la petite enfance au fil des ans. Il n'existe toutefois aucune liste officielle.

Ces places en entreprise sont régies par le Ministère. La plupart sont subventionnées, au même titre que les autres services de garde à 7 $, mais le Ministère n'est pas en mesure d'en déterminer la proportion.

Certaines existaient déjà à la création du réseau des services de garde à contribution réduite. D'autres ont vu le jour au fil des ans.