Père de deux enfants, Jean-Sébastien Fortier considère qu'il n'a pas eu la même chance que d'autres d'obtenir une place en service de garde à 7$ pour ses enfants.

Il ne travaille pas pour une entreprise qui a créé un partenariat avec un centre de la petite enfance. Il trouve injuste que certains CPE, même s'ils sont subventionnés par Québec, réservent leurs places exclusivement ou en priorité aux enfants des employés de quelques entreprises.

«Ils ont un sérieux passe-droit et les gens à la tête du ministère de la Famille ne veulent pas vraiment s'en occuper», dénonce-t-il.

Comme bien des parents, M. Fortier et sa conjointe, Melissa Duclos, ont multiplié les démarches pour trouver une place pour leurs enfants, maintenant âgés de 3 et 2 ans.

Ils ont épluché la liste des services de garde à contribution réduite dans l'île de Montréal et appelé chacun d'eux. C'est à ce moment qu'ils ont compris qu'ils étaient désavantagés par rapport à d'autres, car certains services de garde leur fermaient carrément la porte.

«Ce n'est pas connu qu'il y a beaucoup de garderies qui réservent leurs places à des enfants dont les parents sont des employés. [...] C'est censé être universel, mais si on favorise certaine personnes, ce n'est pas équitable», dénonce M. Fortier.

Il en a contre le fait que ces services de garde reçoivent pourtant une subvention de fonctionnement du gouvernement, comme tous les services de garde à 7$.

«Je n'ai aucun problème à ce qu'un milieu de travail ait une garderie, mais pour que ce soit juste pour tout le monde, il ne faut pas que ce soit des places subventionnées. Ce sont des places que tout le monde paie», lance M. Fortier.

À force de recherches et d'insistance, M. Fortier et sa conjointe ont finalement trouvé une place pour leurs enfants au printemps dernier, dans un CPE qui venait d'ouvrir ses portes. Mais M. Fortier conserve un goût amer de ses démarches. Il a même formulé une plainte au ministère de la Famille il y a plus d'un an, sans résultat.

Au cours des dernières semaines, plusieurs parents ont aussi dénoncé à La Presse des cas de favoritisme ou des situations qu'ils estiment injustes.

Légal, mais «inéquitable»

Les services de garde sont des entités autonomes qui ont le loisir de déterminer leur politique d'admission.

La loi leur permet également de mettre en place des partenariats avec des entreprises et de réserver les places aux enfants des employés.

Si la pratique est légale, elle est toutefois discutable, estime la députée d'Iberville et porte-parole de l'opposition en matière de famille, Marie Bouillé.

«Il y a tellement de demandes de parents qui attendent des places pour leurs enfants [...]. Dans la situation actuelle, je pense que c'est inéquitable de privilégier certains par rapport à d'autres.»

Le problème, à la base, est que le gouvernement a promis l'ajout de 15 000 nouvelles places qui n'ont toujours pas vu le jour, rappelle Mme Bouillé.

«Je pense qu'une fois ces places créées, le problème se réglera de lui-même», dit-elle.

Directeur général par intérim de l'Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE), Xavier de Gaillande abonde dans le même sens.

«Ces situations sont aggravées par le manque de places qu'on a actuellement. Si on avait aujourd'hui exactement le nombre de places en fonction des besoins des enfants et des parents du Québec, la question ne se poserait pas.»

Une étude interne de l'AQCPE menée en mai dernier révèle que les 15 000 places promises par les libéraux ne seront pas suffisantes pour combler les besoins.

«Nous aurons besoin de 25 000 à 30 000 places supplémentaires, en plus des 15 000 déjà annoncées», souligne M. de Gaillande.