L'idée que les universités québécoises sont sous-financées ne fait pas l'unanimité. Au lieu de piger dans la poche des étudiants, le gouvernement devrait se tourner vers les plus riches. Et entreprendre une véritable réflexion sociale sur la mission universitaire.

C'est ce que soutiennent certains groupes formés notamment des organisations étudiantes, de professeurs et de chercheurs de l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS) qui s'opposent à la hausse des droits de scolarité.

Le gouvernement a investi des millions de dollars supplémentaires dans les universités au cours des dernières années. Mais les résultats ne se voient pas dans les salles de cours, déplore la présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Martine Desjardins.

Les universités se livrent une bataille féroce pour attirer la clientèle. Les programmes se multiplient. Les nouveaux pavillons poussent rapidement. Au cours des dernières années, l'Université de Sherbrooke a implanté un campus à Longueuil. L'Université de Montréal, à Laval.

«On a vu notre argent aller de ce côté, beaucoup plus que dans l'enseignement et la recherche», déclare Mme Desjardins.

Dans un mémoire récent qu'elle a fait parvenir au ministre des Finances, Raymond Bachand, la FEUQ remet d'ailleurs en doute l'étude de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ) qui a servi à documenter le sous-financement des universités.

Au lieu d'augmenter les droits de scolarité, les étudiants proposent au gouvernement de taxer ceux qui ont des revenus élevés en ajoutant des paliers d'imposition. «Ce serait une façon d'aller chercher de l'argent pour bonifier le programme de prêts et bourses», suggère la présidente de la FEUQ.

La Coalition élargie de l'ASSÉ suggère elle aussi d'imposer davantage les plus riches, mais, surtout, de piger dans la poche des grandes entreprises.

«C'est un peu ironique de voir le gouvernement libéral imposer de force une hausse des droits de scolarité aux étudiants et, du côté des entreprises, favoriser la philanthropie», déclare le porte-parole de la Coalition, Gabriel Nadeau-Dubois, en rappelant que les entreprises bénéficient de la qualité de l'éducation postsecondaire.

Les étudiants s'entendent pour parler de «mal financement» dans les universités, plutôt que de sous-financement. Certains domaines, notamment dans la recherche appliquée, sont plus favorisés au détriment de certains programmes en sciences sociales, soutiennent-ils.

Des propos qui rejoignent ceux d'Éric Martin, chercheur à l'IRIS et coauteur du livre Université inc., qui réfute les arguments avancés jusqu'ici par les défenseurs de la hausse des droits de scolarité.

Le gouvernement est en train de modifier la nature même du financement des universités, explique-t-il.

Il délaisse le modèle scandinave, plus égalitaire, pour se tourner vers le modèle anglais ou américain, plus orienté vers la hausse des droits de scolarité et la contribution du privé.

«Le fait de dépendre d'un financement privé fait en sorte que les universités doivent se coller davantage sur le secteur de l'économie, elles perdent leur distance», prévient M. Martin.

Il presse d'ailleurs le gouvernement d'organiser des états généraux pour redéfinir le rôle et la mission de l'université.

Une idée appuyée par la Fédération québécoise des professeurs d'université (FQPPU) qui a produit plusieurs études en ce sens.

Actuellement, les choix stratégiques font en sorte que le financement ne permet pas de combler les besoins, explique le président de la FQPP, Max Roy.

Malgré les investissements des dernières années, le sous-financement est chronique dans les universités. Pour endiguer la hausse de la clientèle, elles détournent des fonds de fonctionnement au profit de dépenses en immobilisations, souligne la FQPPU.

Les rapports étudiants-professeur sont de plus en plus élevés dans les groupes. Ils atteignent en moyenne 1 professeur pour 21 étudiants alors qu'ils devraient être de 1 pour 18,5. Dans certains programmes à l'Université du Québec à Montréal ou à l'Université Concordia, c'est encore pire.

La diminution du nombre de professeurs au profit des chargés de cours se fait sentir même aux deuxième et troisième cycles. Au baccalauréat, certains programmes comptent jusqu'à 60% de chargés de cours.

Il est urgent de mener une réflexion collective sur l'avenir de la société, croit M. Roy. «Ce qui se passe actuellement est un symptôme d'un problème plus large et d'une réflexion qu'on doit mener avec l'ensemble des acteurs sociaux, pas seulement des élus.»