Le gouvernement Charest n'a plus le choix. Pour assurer la pérennité du régime des rentes, il devra non seulement hausser les cotisations, mais aussi augmenter les pénalités pour les personnes qui partent à la retraite avant l'âge de 65 ans.

«Il y aura des mesures pour rendre moins attrayante la retraite anticipée dès 60 ans», s'est limité à dire hier le porte-parole de la Régie des rentes, Herman Huot. La ministre responsable, Julie Boulet, a déjà indiqué qu'un projet de loi sera déposé avant l'été 2011 pour modifier le régime de retraite offert à l'ensemble des travailleurs québécois. Québec, à la fin de 2010, attendait de voir quelle direction prendrait le fédéral avant de bouger. Une source au gouvernement a indiqué il y a quelques semaines que la décision de rendre moins facile la retraite à 60 ans était arrêtée.

Mais Julie Boulet se voulait prudente, hier: «Je n'ai pas encore signé le mémoire (au Conseil des ministres). La Régie des rentes peut avoir son idée, mais la tête politique n'est pas faite là-dessus.»

Politiquement, ce genre de décision peut vite devenir de la dynamite. En Grande-Bretagne et aux États-Unis, on vient de repousser de deux ans l'âge normal de la retraite pour donner un peu d'oxygène à des caisses sous pression. L'automne dernier, le gouvernement de la France avait suscité une levée de boucliers quand il avait tenté de modifier son régime.

Pénalités

À l'heure actuelle, la personne qui réclame ses prestations de la Régie des rentes à 60 ans plutôt qu'à 65 se voit imposer une pénalité de 6% pour chaque année qui la sépare de son 65e anniversaire. Elle n'a droit par conséquent qu'à 70% de sa rente (6% X 5 ans = 30%). Or, le fédéral vient d'annoncer qu'il allait augmenter cette pénalité à 7,2% par année. Si Québec harmonise son régime avec celui d'Ottawa, un salarié qui prendra sa retraite à 60 ans aura droit à 64% de sa rente potentielle.

Actuellement, les deux tiers des Québécois demandent leurs prestations de Régie des rentes dès 60 ans, indiquent les documents de la RRQ. Or, les actuaires estiment que les gens qui se prévalent de leur retraite plus tôt sont globalement avantagés par rapport à ceux qui attendent 65 ans. De plus, les Québécois prennent en moyenne leur retraite deux ans plus tôt que la moyenne canadienne, ce qui augmente encore la pression.

Document de reflexion

La Régie des rentes avait lancé en juin 2008 un document de réflexion, suivi un an plus tard d'une consultation sur les changements à apporter au régime. Les résultats catastrophiques de la Caisse de dépôt et placement -un rendement négatif de 25%- avaient rendu caducs bien des scénarios.

Des sources fiables indiquent que bien des «pistes de solutions» mises de l'avant en 2008 ne seront pas retenues. On veut avant tout réduire le «taux d'équilibre», la hausse qu'il faudra appliquer à l'ensemble des cotisations.

Une augmentation du taux de cotisation ne fait aucun doute. Actuellement de 9,9% du salaire admissible (47 200$), il est inchangé depuis 2003. Si on ne l'augmente pas, la caisse sera à sec en 2039, soit 12 ans plus tôt qu'on ne l'avait prévu en 2006. Le taux de viabilité du régime à long terme est désormais évalué à 11,02%. Un tel taux pose problème parce qu'il est passablement plus élevé que celui du Régime de pension du Canada, qui, avec son taux de 9,9%, reste en équilibre beaucoup plus longtemps: jusqu'en 2085.

Richard Bourget, actuaire chez Normand & Beaudry, estime que le régime des rentes du Québec doit surtout rester aligné sur celui du fédéral, et l'âge de la prise de retraite est un élément important. Selon lui, il faudra hausser les cotisations, mais il faudra surtout maintenir les gens au travail plus longtemps.

Jusqu'à l'automne dernier, Québec envisageait de calculer les prestations sur la moyenne des revenus des 40 meilleures années au lieu de 35. Le changement ferait baisser l'ensemble des prestations pour les nouveaux retraités -de 6,8% en 2018, selon le document de la RRQ. Ce scénario a provoqué une levée de boucliers, surtout du côté des groupes de femmes : tenir compte de leurs revenus sur quatre décennies augmente la probabilité de tomber sur des années passées à s'occuper des enfants, à revenus presque nuls. M. Bourget doute que Québec opte pour cette avenue. Conjuguée à la hausse de la pénalité actuarielle, son impact serait trop important sur les prestations, estime-t-il.

Le projet de loi devrait aussi retenir l'idée de tripler la rente «d'orphelin» en la faisant passer de 66$ à 209$, une proposition du document de 2009.