Les plaintes sur la langue d'affichage, surtout celles touchant les raisons sociales, ont connu une augmentation appréciable cette année. Pour contrer ce constat embarrassant, l'Office québécois de la langue française (OQLF) pourra confirmer l'ajout de 26 personnes, dont la moitié iront au service des enquêtes et de l'inspection pour le traitement des plaintes.

Selon les informations obtenues par La Presse, ces nouvelles embauches ont finalement été confirmées aux membres de l'Office lors de leur dernière réunion, à la fin du mois de février. La présidente, Louise Marchand, en avait parlé publiquement l'automne dernier sans que ces embauches se matérialisent. Dans les sondages, le gouvernement Charest est déjà perçu comme un moins bon défenseur de la langue française que le Parti québécois. Avec l'augmentation de la controverse autour de l'unilinguisme anglais dans les raisons sociales, Québec se doit de faire des gestes pour calmer les inquiétudes identitaires des francophones. Le Secrétariat à la politique linguistique, centre nerveux du gouvernement pour tout ce qui touche le dossier linguistique, aura aussi des renforts.

Comme l'ensemble de l'administration publique, l'Office est tenu par le Conseil du Trésor de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux, après un départ - techniquement, on pourrait remplacer ces employés par «mutation», dit le Trésor pour sa défense, une stratégie difficilement applicable, toutefois. Des 26 postes débloqués, une douzaine iront du côté de la francisation et des enquêtes pour se joindre à la direction d'une soixantaine de personnes, où on retrouve ces «inspecteurs de la langue» ridiculisés par l'émission américaine Sixty Minutes, il y a 10 ans. Mme Marchand envisage de demander une nouvelle dérogation au Trésor pour faire encore des ajouts aux effectifs cette année.

Plus de plaintes

Selon un document obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, l'office a reçu 3661 plaintes en 2010-2011, une augmentation importante de près de 1000 plaintes sur l'année précédente. De ces dossiers, 26% portaient sur la langue d'affichage, 20% concernaient l'étiquetage de produits et 35%, la documentation d'un commerce - facturation ou site web. La langue de travail ne générait que 3% des plaintes. Pour l'année qui se termine fin mars, la langue de travail n'a pas soulevé davantage de plaintes, constate la présidente de l'Office, en dépit des controverses suscitées à la Caisse de dépôt, à la Banque Nationale, chez Bombardier Aéronautique et même sur le chantier du CHUM à la suite du recours à l'anglais chez les employés. «L'actualité a ramené la question linguistique sur le radar», observe Mme Marchand.

En 2006, des campagnes de sensibilisation des organismes de défense du français avaient fait monter à 25 700 le nombre de plaintes. L'augmentation de 2011-2012 n'est pas provoquée par de telles campagnes, observe Mme Marchand.

Les 3600 plaintes de l'an dernier, «on va les dépasser largement; les citoyens sont de plus en plus sensibles à ces questions, explique Mme Marchand. Ce sera une bonne augmentation et on verra aussi une croissance importante du pourcentage de plaintes touchant l'affichage», résume-t-elle. Les chiffres définitifs seront déposés à l'étude des crédits budgétaires, à l'Assemblée nationale, après Pâques.

Seulement 2% des plaintes font l'objet d'une poursuite du Directeur des poursuites criminelles et pénales, et seulement le quart ne se règle pas durant les années qui séparent le dépôt de la poursuite du verdict. Sur l'affichage, les entreprises délinquantes s'exposent à des amendes pouvant atteindre 20 000$, qui peuvent doubler pour une récidive. L'an dernier, 17% des plaintes se sont révélées non fondées et 8% se sont réglées par une intervention de l'Office pour inciter les fautifs à se conformer à la loi, indique le document transmis à La Presse.

Avec la collaboration de William Leclerc

En chiffres

3661: le nombre de plaintes déposées à l'Office québécois de la langue française pour 2011-2012

26%: le pourcentage de plaintes touchant l'affichage public et commercial

3%: le pourcentage de plaintes touchant la langue de travail

2%: le pourcentage de plaintes qui se rendent devant les tribunaux

26: employés supplémentaires pour l'Office

12: employés de plus au service des plaintes et des enquêtes