Étendre la Loi 101 du service de garde au cégep, interdire l'enseignement en anglais aux HEC et dans les autres établissements d'études supérieures, imposer l'affichage commercial en français, abolir le Conseil supérieur de lalangue française (CSLF) et augmenter en contrepartie les pouvoirs de l'Office québécois de la langue française (OQLF). Voilà quelques-unes des propositions de la nouvelle Charte de la langue française (Loi 101), déposée mardi par le député indépendant Pierre Curzi.

«Dans moins de 20 ans, le nombre de personnes dont la langue d'usage est le français sera tombé à 43% dans la région de Montréal. Elle sera donc devenue une région bilingue dans les faits. Il y a urgence d'agir», a-t-il plaidé.

Est-ce son testament politique? «Je ne suis pas mort!», a répondu l'ex-péquiste, qui n'a pas l'intention de se présenter aux prochaines élections.

Il rappelle que depuis l'adoption de la Loi 101, plus de la moitié de ses 275 articles ont dû être modifiés entre autres à cause des «attaques» de la Cour suprême.

M. Curzi a intégré presque toutes les modifications proposées à la Loi 101 par le PQ (9/10) et par Québec solidaire (7/8). Il en aussi ajouté plusieurs autres. Québec solidaire et le PQ ont «salué» son travail. Amir Khadir et le chef d'Option nationale, Jean-Martin Aussant, assistaient d'ailleurs à sa conférence de presse.

«Si j'étais revenu au PQ, il est très évident que je n'aurais pas pu présenter la Charte telle que proposée, (...) puisqu'elle aurait fait l'objet des débats normaux au sein d'un parti», a-t-il indiqué.

Par exemple, le PQ ne propose pas l'affichage obligatoire en français ou l'abolition du CSLF.

M. Curzi précise «qu'aucun droit de la communauté anglophone n'a été touché». Il a ajouté un article pour respecter «les droits historiques» de la communauté de langue maternelle anglaise ainsi que ceux des Amérindiens et des Inuits. Cet article serait quasi-constitutionnel comme les autres huit premiers.

En contrepartie, la Charte deviendrait beaucoup plus musclée. Le CSLF, «souvent teinté de partisanerie», serait aboli. L'OQLF recevrait plus de pouvoirs. Ses dirigeants seraient nommés par le 2/3 de l'Assemblée nationale, comme c'est entre autres le cas du vérificateur général.

Les magasins généraux Canadian Tire

L'affichage commercial devrait se faire uniquement en français, pense M. Curzi. Mais il reconnaît que «les marques de commerce sont protégées par une entente internationale dont on est signataire». Sa solution: les marques de commerce en anglais devraient être accompagnées d'un terme générique en français. «Par exemple, pour Canadian Tire, on aurait Les magasins généraux Canadian Tire», dit-il. L'OQLF incite présentement les entreprises à le faire avec sa nouvelle campagne. Mais cela doit devenir une obligation inscrite dans la loi, propose M. Curzi.

Il changerait aussi le lourd processus de plainte. «Quand c'est dans les mains d'un procureur général, c'est extraordinairement coûteux et ne sait pas où ça va», regrette-t-il. L'Office émettra désormais des constats d'infraction sur le champ. Pour une entreprise, le premier oscillerait entre 250 $ et 1000 $. L'amende doublerait pour les récidives.

Autre changement: pour recevoir une subvention ou un autre avantage du gouvernement, une entreprise devra obtenir un «certificat de conformité» à la Charte. Et on inverserait le fardeau de la preuve pour une offre d'emploi. C'est l'employeur qui devrait prouver que l'emploi nécessite une connaissance de l'anglais.

Les filiales des organismes gouvernementaux, comme Ivanohé Cambridge de la Caisse de dépôt et placement, seraient elles aussi assujetties à la Charte.

Du service de garde au cégep

La Loi 101 s'étendrait au cégep et au service de garde. Et le français serait aussi mieux protégé à l'université, propose M. Curzi. Sa nouvelle Charte interdirait l'enseignement en anglais dans les établissements collégiaux et universitaires, à l'exception des cours de langue. Cela empêcherait les HEC d'inaugurer l'automne prochain sa nouvelle maîtrise en anglais.