Dès le 5 août, Québec paiera les traitements de fécondation in vitro à tous les couples infertiles de la province, a annoncé mardi matin le ministre de la Santé, Yves Bolduc. Qualifiant le programme d'»intéressant», la Fédération des médecins spécialistes estime toutefois que le manque de ressources dans le réseau de la santé ne permettra pas de traiter toutes les demandes.

Cette année, le gouvernement prévoit rembourser 3000 cycles de fécondation in vitro (FIV) pour un total de 25 millions de dollars. Mais dès 2014, 7000 cycles seront remboursés pour une facture totale de 63 millions. Le gouvernement avait d'abord estimé cette somme à 80 millions.

«C'est sûr que la demande va augmenter au cours des prochains mois. Plusieurs couples infertiles n'avaient pas recours à la fécondation par manque de moyens. Ils pourront maintenant le faire», a déclaré M. Bolduc.

Les Montréalais Stéphanie Limoges, 33 ans, et Stéphane Laframboise, 39 ans, essaient depuis 10 ans d'avoir un enfant, mais ne peuvent se payer les traitements de fécondation in vitro. «Un traitement coûte entre 6000 $ et 15 000 $ (...) Pour nous, l'annonce d'aujourd'hui est un soulagement», dit M. Laframboise.

Québec deviendra le premier gouvernement d'Amérique du Nord à payer la médication et les soins liés à trois cycles de fécondation in vitro. Le programme s'adresse à toutes les femmes en âge de procréer, qu'elles soient seules ou en couple, homosexuelles ou hétérosexuelles.

Dans la plupart des cas, on n'implantera qu'un embryon à la fois pour éviter les grossesses multiples. «Ce meilleur encadrement permettra de réduire de 30% à 5% les grossesses multiples dues à la procréation assistée», a expliqué le ministre Bolduc.

«C'est un grand jour pour les couples infertiles, qui pourront se présenter dans les cliniques avec une carte d'assurance maladie et non pas une carte de crédit», a dit la responsable des relations de presse de l'Association des couples infertiles du Québec, Me Caroline Amireault.

L'animatrice Julie Snyder, qui a elle-même eu recours à la fécondation in vitro et milité pour le remboursement des traitements, était fort émue, mardi. «Derrière chaque bébé-éprouvette, il y a une mère éprouvée, a déclaré l'animatrice avant d'éclater en sanglots. Le bonheur d'avoir des enfants quand on souffre d'infertilité ne peut être réservé aux seules personnes qui en ont les moyens.»

Le ministre Bolduc ignore combien de couples sont déjà en attente de traitements de fertilité. Il sait toutefois que l'ordre de priorité pour recevoir un traitement sera établi dans chaque clinique. «Mais c'est certain que s'il ne reste que quelques années de procréation à quelqu'un, elle sera priorisée», dit-il.

Quant à la question de savoir si le fait de rembourser la fécondation in vitro est judicieux alors que des centaines de programmes de soins médicaux souffrent de sous-financement, M. Bolduc a répliqué que son gouvernement «fait des choix» et tente «d'avoir une offre équilibrée entre ses différents programmes».

Trop vite

Même s'il qualifie le programme de «bon en soi», le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le Dr Gaétan Barrette, souligne que «jamais un programme de cette ampleur n'aura été mis en place de façon aussi rapide au Québec».

Le Dr Barrette précise que ce programme a été demandé «par un lobby, et pas nécessairement par la population», et que le réseau public n'a simplement pas les ressources pour l'appliquer en ce moment.

Quoique «heureux pour les femmes infertiles», le président de l'Association des obstétriciens-gynécologues du Québec, le Dr Robert Sabbah, signale qu'il manque déjà de 60 à 70 gynécologues au Québec. «Des femmes enceintes ont déjà de la difficulté à avoir un suivi de grossesse. Qu'est-ce que ce sera avec le nouveau programme ?» demande-t-il.

La présidente de l'Association des pédiatres du Québec, la Dre Pascale Hamel, doute quant à elle que le Québec sera capable de réduire à 5% le nombre de grossesses multiples causées par la procréation assistée. «Même quand il y a naissance unique, il y a plus de complications avec la FIV, affirme-t-elle. Dans nos grands centres de néonatalogie, 20% des lits sont déjà occupés par des bébés issus de la fécondation in vitro.»

La Dre Hamel rappelle que les services de néonatalogie sont déjà en crise au Québec et qu'une demande accrue serait périlleuse.

Le ministre Bolduc assure quant à lui que, au cours des prochains mois, des annonces seront faites pour régler les problèmes des unités de néonatalogie.