Quand l'hôpital du Suroît a été construit au début des années 1980, il était déjà trop petit. «Il a été bâti après l'hôpital Pierre-Boucher de Longueuil et la Cité de la santé de Laval. Le gouvernement de l'époque a voulu épargner et les espaces étaient déjà plus petits que la norme ici», explique le directeur général de l'établissement, François Rabeau.

Depuis cinq ans, le manque d'espace est devenu invivable. «La région voisine, Vaudreuil-Soulanges, voit sa population augmenter de 8% par année. Mais il n'y a aucun hôpital sur ce territoire. Au moins la moitié des patients de Vaudreuil viennent ici. On doit les servir! On ne peut pas les refuser!» explique le vice-président du conseil d'administration du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) du Suroît, Jean-François Blanchard.

«Le volume de patients chez nous augmente de 5% à 10% par année. Cette année, on a occupé 11 lits de plus pendant 365 jours que l'an dernier», affirme M. Rabeau, qui dit «être en mode solution» avec le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

M. Blanchard déplore que le gouvernement ne reconnaisse pas officiellement que le volume de patients augmente au CSSS du Suroît. «On ne reçoit aucun financement récurrent pour absorber cette clientèle», dit-il. Si bien que l'établissement présente depuis trois ans des déficits. Cette année, il se chiffre à 5,4 millions.

«On a présenté un plan de redressement de 1,2 million. Mais on ne peut pas sabrer plus sans sabrer les services», explique le directeur des ressources financières du CSSS du Suroît, Daniel Trudeau.

Comble du malheur: puisque le CSSS présente un déficit, tout projet d'agrandissement ne peut être approuvé par Québec. «On a déposé un projet d'agrandissement de 67 millions. Mais c'est en attente. On ne peut l'approuver tant qu'on est en déficit», reconnaît M. Rabeau.

Espaces trop petits

En attendant, les employés travaillent dans des espaces qui ne respectent pas les règles élémentaires d'ergonomie. Au huitième étage, les infirmières et les médecins ne disposent que de quatre chaises et d'un minuscule bout de table pour colliger les données dans les dossiers des patients. «On est toujours debout. Je travaille avec des bas support!» note l'interniste Élise Gilbert.

Les couloirs sont submergés de matériel, car il manque d'espace de rangement. Le jour de notre visite, plusieurs chaises roulantes, des ventilateurs et différents chariots occupaient les deux côtés des couloirs. Les chambres sont minuscules. Les deux lits qui y sont installés sont séparés par quelques centimètres. «Quand il y a des infections, ça devient compliqué», dit la Dre Gilbert.

Au deuxième étage, les employés des laboratoires travaillent dans des conditions abominables. La hausse de clientèle a multiplié le nombre d'échantillons à analyser.

Dans les laboratoires, les nombreux appareils d'analyse font beaucoup de bruit et dégagent une chaleur intense. Les employés sont entassés les uns sur les autres. La chaleur devient insupportable. «L'été dernier, il a fait tellement chaud que nos appareils risquaient de briser. On les a ouverts et on a mis des sachets réfrigérants sur les mécanismes... C'était notre climatisation maison», explique la chef du service de biologie médicale, la Dre Isabelle Bachand.

Par manque d'espace, les règles de sécurité ne peuvent pas toujours être respectées. La Dre Bachand explique que deux tests de dépistage différents se font souvent dans la même pièce. «Les dangers de contamination sont grands. Mais on n'a pas le choix», dit-elle.

Dans le laboratoire de microbiologie, neuf techniciens travaillent dans une minuscule pièce. «On manque de hottes. Quand l'hiver arrive et qu'on doit analyser plusieurs échantillons d'influenza, ça devient dangereux», note le chef du laboratoire, le Dr James Allan.

À l'hôpital du Suroît, de 500 à 600 patients meurent chaque année. Mais la salle d'autopsie est si petite qu'aucun treuil ne peut y être installé.

«Les préposés doivent transférer les corps de la civière à la table d'autopsie à la main. Dans le cas de patients obèses, ça devient difficile», dit la Dre Bachand.

Flot croissant aux urgences

Aux urgences, le flot croissant de patients cause aussi des maux de tête. Même si les urgences ont été rénovées il y a cinq ans, les patients y sont déjà à l'étroit. «On est censés accueillir 35 000 patients par année. On en traite plutôt 45 000», remarque le chef des urgences, le Dr Bernard Richard. Les 22 lits des urgences ne suffisent pas à la demande. «On a 39 lits de débordement. Et on a 15 places en "terrasse", soit des civières de débordement», explique le Dr Richard.

En 2004, l'hôpital du Suroît accueillait une moyenne de 12 ambulances par jour. «Mais là, on est à 25 en moyenne. Et des fois, ça peut aller jusqu'à 56 ambulances par jour! On ne peut pas retourner ces patients. On doit les traiter», dit le Dr Richard.

D'ici 2016, le gouvernement prévoit que 47 nouveaux médecins spécialistes iront travailler à l'hôpital du Suroît. «Mais il devra y avoir des changements. Parce que pour l'instant, je ne saurais pas où les mettre», note M. Rabeau.

Même si les conditions de travail sont difficiles, M. Rabeau se réjouit de la forte performance de ses employés. «On est parmi les 10 meilleurs hôpitaux de la province en matière de résultats. Nos équipes travaillent très fort. Mais là, on est au bout du rouleau», martèle-t-il.

Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, répète sur toutes les tribunes que la couronne nord et la Rive-Sud vivent des problèmes. Au cabinet du ministre Bolduc, on affirme qu'un projet de construction d'un nouvel hôpital à Vaudreuil «est en analyse».

«La région de Vaudreuil est un des seuls secteurs de 100 000 habitants et plus qui ne possèdent pas d'hôpital au Québec. Les besoins sont là. Pour l'instant, les patients vont à l'hôpital du Suroît ou à celui du Lakeshore. On aimerait procéder à une annonce dans les prochains mois en ce qui concerne Vaudreuil», affirme l'attachée de presse du ministre Bolduc, Karine Rivard.

En ce qui concerne les travaux d'agrandissement à l'hôpital du Suroît, Mme Rivard explique que le projet d'agrandissement est à l'étude à l'Agence de la santé de la Montérégie, mais qu'il nécessite encore «des ajustements».