Non seulement le maire Gérald Tremblay a-t-il accepté de participer à notre jury, mais il est aussi arrivé à notre réunion précisément à l'heure et gonflé à bloc, avec un message très clair à exprimer: oui, on croit à la recherche de nouvelles idées pour ce pont.

«Il y a du travail à faire en amont. Et donnons-nous les moyens de le faire. On a à Montréal des tas de gens qui ont des idées. On est une ville de design UNESCO. On a une occasion, on a des écoles.»

>> Voyez les projets des étudiants.

Bref, a expliqué le maire, il faut que ce pont transporte notre créativité.

M. Tremblay a même un plan pour permettre de réaliser tout ça. Il veut convaincre le maître d'oeuvre du projet, le gouvernement fédéral, de consacrer 1% du budget total du projet aux réflexions, à la recherche, au travail qui va mener à sa conception.

Comme le ministère des Transports du Québec a accepté de mettre 1% du budget de la reconstruction de l'échangeur Turcot à la recherche d'idées pour la reconception de toute l'arrivée en ville par le flanc sud-ouest, le maire veut qu'Ottawa accepte de mettre 1% du budget total du pont - le chiffre qui circule actuellement est de 5 milliards - aux bonnes idées qui vont sous-tendre sa charpente. Un pour cent de 5 milliards, c'est 50 millions. Une somme intéressante pour «pérenniser notre créativité», pour reprendre les termes de M. Tremblay.

Surtout que ce n'est pas un petit investissement que le gouvernement fédéral s'apprête à faire. Un projet de 5 milliards, c'est énorme. Une facture musclée, mais aussi une occasion incroyable. «Avec 5 milliards, on peut faire quelque chose!», lance le maire de Montréal.

M. Tremblay a l'intention de participer activement à sensibiliser Ottawa à la nécessité d'investir ailleurs qu'uniquement dans les études d'ingénieurs, de faisabilité économique et dans le béton. «Il faut arriver aux mêmes conclusions que pour Turcot. Il faut que le gouvernement comprenne que ça prend du design, de l'architecture, de la créativité.»

Rapidement, tout le jury s'est entendu sur le fait qu'il fallait qu'un concours architectural soit lancé pour assurer aux Montréalais la mise en oeuvre d'un projet avec une réelle profondeur intellectuelle, culturelle, économique, environnementale.

Rater une telle occasion serait, a tenu à préciser Anne Cormier, une erreur grave.

Attention au privé

Le maire, qui a participé activement et spontanément aux discussions, a aussi eu des commentaires intéressants au sujet d'un projet qui proposait de placarder le pont de panneaux publicitaires illuminés, façon Times Square, mais sur l'eau. «C'est le pont le plus choquant», a lancé Mme Cormier à ce sujet. «Je pense que l'étudiant a voulu nous lancer un message», a répondu le maire Tremblay, en expliquant que, selon lui, tout cela est un commentaire direct à la possibilité que le pont soit construit en partie par l'entreprise privée. «C'est une caricature. Il nous a dit: Attention, ce pont ne peut pas être juste privé.»

«Ce projet, ce serait une tragédie», a ajouté Claude Cormier, au sujet du document rapidement mis de côté.

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Les membres du jury

LE MAIRE, GÉRALD TREMBLAY Pour assurer la qualité du prochain pont, le maire a expliqué aux autres membres du jury qu'il veut convaincre Ottawa de consacrer 1% du budget à sa conception.

GILLES SAUCIER Architecte, il est associé chez Saucier " Perrotte, une firme reconnue internationalement qui vient de remporter un prestigieux prix new-yorkais pour un immeuble résidentiel à Toronto. C'est aussi cette firme qui a remporté le concours pour le nouveau centre de soccer intérieur de Saint-Michel.

LOUIS-PHILIPPE PRATTE Il est designer industriel. Il a fondé sa propre entreprise, À Hauteur d'homme, qui se spécialise dans les meubles de bois québécois, souvent fabriqués par des entreprises de réinsertion sociale. Son objectif: rendre le design de qualité écolo d'ici accessible.

ANNE CORMIER Architecte et professeure d'architecture, est actuellement directrice de l'école d'architecture de la faculté d'aménagement de l'Université de Montréal.

CLAUDE CORMIER C'est un architecte de paysage, une des figures les plus connues et reconnues de cette profession au Canada. À Montréal, ses travaux sont partout, des boules roses suspendues au-dessus de la rue Sainte-Catherine dans le Village, aux troncs d'arbre roses au Palais des congrès. À Toronto, on connaît sa plage HT0. C'est lui qui a conçu la nouvelle plage du Vieux-Port qui sera inaugurée à l'été.