Le dramaturge Wajdi Mouawad avait déjà tracé le canevas du sujet du film de Denis Villeneuve, s'inspirant largement de sa propre expérience, de sa vie. La pièce Incendies, présentée sur de multiples scènes, contient sa part d'horreurs, de la cruauté de l'Homme. Le film y reste fidèle. Pourtant, c'est dans la joie et la gloire que s'achève l'épopée. Le réalisateur n'en finit plus de monter sur scène pour y recevoir des hommages, dont tous ceux liés à son précédent film, Polytechnique. Il maintient le cap cette année: huit prix Génie et neuf prix Jutra dont celui du meilleur film et de la meilleure réalisation. La Presse et Radio-Canada le choisissent naturellement Personnalité de la semaine.

Celui qui crée des images à sa façon pour décrire sa vision du monde, ses joies, ses terreurs, ses rêves est un poète, un magicien. Depuis les premiers pas du cinéma, les réalisateurs de génie ont eu ce pouvoir immense, sur des milliers de personnes, d'imprimer de façon parfois indélébile leur message. Le Québécois Denis Villeneuve nous en donne une fois de plus la preuve. Les spectateurs qui ont vu son film Incendies, ceux d'ici, d'Europe et maintenant des États-Unis, mesurent mieux à l'issue du visionnement toutes les horreurs que font vivre les guerres, surtout fratricides comme celle du Liban.

Tourbillon

Denis Villeneuve ne peut participer à ce rendez-vous pour la Personnalité de la semaine, car il est à l'étranger. D'abord à Beyrouth depuis le 15 mars, où, plein d'appréhension et d'émotion, il est allé à la rencontre des Libanais. Puis a démarré la tournée américaine où son film sera présenté dans la grande majorité des salles. Il faut également savoir que le film est désormais offert en DVD et Blu-ray, ce qui ne devrait d'aucune manière nuire au visionnement du film en salle, selon les experts.

On peut aisément imaginer que les étagères sur lesquelles reposent les récompenses que le cinéaste a reçues ploient sous le poids des trophées et des médailles. Courts métrages, longs métrages, etc. Si Incendies a échappé l'Oscar du meilleur film en langue étrangère à Los Angeles, sa mise en nomination a permis de mettre en lumière, une fois de plus, la vitalité du cinéma québécois et de ses créateurs. C'est un bel exploit. Le film a remporté tous les honneurs aux festivals importants: Toronto, Vancouver, Valladoid, en Espagne, Varsovie, Belgique, Grèce, etc. Il sera vu par des cinéphiles de plus d'une trentaine de territoires du monde. Au cours des entrevues réalisées aux États-Unis, les journalistes ont été sous le charme de cet homme humble et pourtant génial, doté d'un grand sens de l'humour. Est-il besoin de souligner ce que l'on devine déjà: les approches séductrices de l'industrie seront nombreuses.

Mais que l'on ne s'y méprenne pas. L'homme, malgré la gloire, ne change pas; le côté mondain du succès le met mal à l'aise.

Les origines

L'effervescence d'un imaginaire et d'un tempérament d'artiste plonge ses racines le plus souvent dans l'enfance. Denis Villeneuve est né au beau temps de Terre des Hommes, le 3 octobre 1967, à Gentilly, en banlieue de Trois-Rivières. Après des études au séminaire Saint-Joseph, on le retrouve à l'UQAM, en cinéma. Il remporte la Course Europe-Asie de Radio-Canada en 1990-1991. Le chemin est tracé.

C'est un destin naturel pour ce jeune homme qui, dit-il, a vécu dans une bulle, dans ses rêves, durant toute son adolescence. Brillant malgré tout à l'école, les mots, surtout, et certains héros le touchent. Et le fleuve à l'horizon, ce long ruban d'une pellicule annoncée, «a certainement eu une influence», m'a-t-il déjà confié au cours d'une entrevue. Il développe tôt son envie de raconter des histoires et aime, comme il le confie, le voyage humain.

Doté d'une sorte d'assurance tranquille, intérieure, sans forfanterie, il ne se sent pas menacé en explorant le monde, même loin de ses racines, d'aller à la rencontre des autres et même de leur colère. Homme d'équipe respectueux, reconnaissant, il apprécie la franchise de ceux qui disent ce qu'ils pensent.

On l'imagine capitaine à la barre du navire qui se nomme film, préoccupé de l'essentiel: servir la fiction au même titre que la réalité.