Pôles majeurs des arts de la scène en Europe, Amsterdam et Berlin se rencontrent dans une oeuvre alliant danse et théâtre conçue par la chorégraphe Anouk Van Dijk et le metteur en scène Falk Richter. Trust, présentée en ouverture du Festival TransAmériques, est la première production de la prestigieuse Schaubühne à être présentée à Montréal.

Faire son entrée à la Schaubühne constitue une forme de consécration. C'est en effet l'un des trois principaux théâtres berlinois (les deux autres étant la Volksbühne et le Deutsches Theater) et l'un de ceux qui rayonnent le plus à l'étranger. «C'est un théâtre qui s'intéresse aux enjeux contemporains», dit Falk Richter, de l'institution fondée en 1961 et codirigée depuis 1999 par Thomas Ostermeier, un homme de théâtre qui, comme lui, est dans la jeune quarantaine.

Dramaturge et metteur en scène, Falk Richter a des préoccupations qui collent parfaitement à la mission de la Schaubühne où il est entré il y a une dizaine d'années. Son théâtre ne refuse pas l'hybridation avec d'autres disciplines et ses thèmes de prédilection sont directement branchés sur la réalité et les soubresauts du monde contemporain: technologie et incommunication (Dieu est un DJ), guerre en Irak (Sept secondes) ou encore la vie dans les banlieues privées (État d'urgence).

Trust n'y fait pas exception et explore la notion de confiance dans le couple, mais aussi dans l'économie mondialisée. «J'ai écrit la pièce au moment où la crise financière a frappé l'Amérique et l'Europe, un moment où la plupart des sociétés européennes étaient secouées par ce qui se produisait, raconte l'homme de théâtre. Soudain, les gens perdaient la foi en la stabilité du système dans lequel ils vivaient et perdaient confiance en certaines institutions auxquelles ils avaient toujours cru, comme les banques.»

L'effondrement du système bancaire mondial, qui a dû être renfloué à coup de milliards avec des deniers publics, est une chose bien moins abstraite qu'on peut le présumer, plaide le dramaturge. «Le spectacle montre que ces questions d'ordre économique ont une grande influence sur nos vies, sur notre manière de penser, sur ce que nous ressentons et sur la manière dont nous abordons notre quotidien», juge-t-il. Le langage qu'on utilise pour parler des relations amoureuses est d'ailleurs révélateur à cet égard. Ne parle-t-on pas de s'investir dans son couple?

Falk Richter estime que le théâtre peut justement rendre ces choses compréhensibles en ramenant ces enjeux à l'échelle humaine. Par un va-et-vient entre danse et théâtre, par exemple, comme c'est le cas de Trust, qu'il a créé en collaboration avec la chorégraphe néerlandaise Anouk Van Dijk. «L'enjeu, pour moi, a été d'identifier les moments où le texte devenait fort, où il pouvait apporter quelque chose qu'un corps en mouvement ne pourrait donner, et les moments où je devais le retirer pour laisser la scène aux danseurs.»

Interpellé de manière très personnelle par le mode de fonctionnement de nos sociétés, le metteur en scène allemand dit vouloir ramener les enjeux politiques essentiels au théâtre. «Je crois fermement que dans une démocratie, on doit être plus qu'un simple consommateur, ce qui, à la base, est tout ce qu'on attend de nous: acheter et regarder la télé sans trop nous engager», constate le dramaturge que certains qualifient volontiers de provocateur.

Il aspire toutefois à intégrer ses préoccupations d'ordre politique en sachant éviter de verser dans le théâtre aride et conceptuel. Ainsi en est-il de Trust, selon lui. «Il y a une part de sensualité dans ce spectacle en raison de la présence des danseurs, assure d'ailleurs Falk Richter. C'est très physique. Très émotif, oserais-je dire, puisque tout est ramené à l'échelle des relations personnelles.»

Trust, les 26 et 27 mai au Théâtre Jean-Duceppe.

Berlin, ville de théâtre



Point névralgique du théâtre européen depuis déjà une décennie, Berlin doit son effervescence actuelle à trois facteurs principaux, selon le dramaturge et metteur en scène Falk Richter: sa position au coeur de l'Europe, le coût de la vie et une grande concentration de théâtre financés par l'État.

Ville divisée jusqu'en 1989, la capitale allemande constitue désormais un point de jonction entre les populations de l'est et de l'ouest de l'Europe. Son pouvoir d'attraction tient également à son caractère abordable. «On peut vivre ici en payant un loyer qui coûte le tiers de ce qui serait demandé à Londres ou Paris.

Alors, il y a beaucoup de jeunes artistes qui s'installent ici», explique Falk Richter. Il signale aussi que, lors de la réunification de l'Allemagne, la ville a conservé toutes ses institutions théâtrales financées par l'État, «ce qui fait qu'il y a deux fois plus de théâtres à Berlin que dans une ville européenne comparable».