En trois ans, le Grand continental de Sylvain Émard a connu une expansion phénoménale: de 65 participants en 2009, le nombre est passé à 100 l'an dernier et a doublé pour sa version XL présentée la semaine prochaine. Ces 200 danseurs répètent avec enthousiasme depuis des semaines dans la plus grande salle de répétition en ville: le Stade olympique.

Il reste encore 30 bonnes minutes avant l'heure officielle de la répétition, mais il y a déjà beaucoup de va-et-vient au troisième étage du Stade olympique. Dans le couloir qui mène à la galerie de presse, des dizaines de personnes se préparent activement. Ils ne réchauffent ni leurs muscles ni leurs articulations, mais une autre partie de leur corps qui doit être alerte pour danser un continental conçu par Sylvain Émard: la mémoire.

«C'est exigeant pour le cardio, mais aussi pour la mémoire, confirme Catherine Chagnon, qui participe à l'événement pour la première fois. Il y a beaucoup de mouvements à apprendre.» Serge Beaudoin, le doyen de tous les danseurs, insiste: «Il faut répéter tous les jours.» D'où la nécessité d'arriver en avance pour faire et refaire les séquences de pas afin de se les mettre bien en tête.

Le chorégraphe Sylvain Émard n'a jamais pensé que son projet de réinventer le continental, symbole poussiéreux et pas forcément glorieux de la danse sociale, connaîtrait un tel retentissement lorsqu'il en a eu l'idée il y a trois ans. «Pour moi, c'était un one shot deal», se rappelle-t-il. Or, il a touché à quelque chose de bien plus profond que le simple désir de faire un spectacle: le plaisir que les gens tirent de la danse.

Y'a d'la joie

«On participe tous au même projet à l'unisson, ce qui se produit rarement en vieillissant, estime la comédienne Isabelle Brouillette, l'un des rares visages connus de cette imposante troupe de danseurs. C'est rare qu'on a l'occasion de danser, finalement. C'est ça qu'on vient faire ici, danser, ce n'est pas une affaire de placotage. Et la danse amène automatiquement de la joie.»

«Ça fait du bien!», s'exclame en souriant Victor Bertrand-Ouellette, 13 ans. Répéter Le continental XL deux fois par semaine est devenu pour lui une activité familiale: quatre des membres de sa famille recomposée en sont. «Il n'y a que du positif, ici, constate aussi Serge Beaudoin, qui en est à sa troisième participation. C'est la période de l'année où je suis le plus heureux. Le fait de danser en groupe, ça donne de l'énergie.»

«Ça me rebranche sur le simple plaisir de danser, qui est à l'origine de mon choix d'être danseur et chorégraphe. On a tendance à perdre ça de vue dans le milieu professionnel, constate Sylvain Émard lui-même. Le fait de côtoyer des gens dont ce n'est pas le métier me fait aussi le plus grand bien. Ils sont là pour le plaisir et savent le communiquer.»

L'atmosphère dans laquelle se déroulent les répétitions est très chaleureuse, en effet. Il y a quelque chose de fort beau à voir ces gens de tous âges et de tous formats bouger avec grâce ou entrain souvent les deux. À chaque pause, tout le monde parle spontanément à tout le monde, puis se remet au travail au signal de l'exigeant chorégraphe, perché sur une table devant la masse humaine. Dix minutes à peine après le début de la répétition, plusieurs danseurs ont déjà les joues rougies par l'effort.

«À 200, je me suis demandé si les gens se sentiraient perdus, mais non, il s'est développé un esprit de groupe», dit le chorégraphe, qui ne peut imaginer aller au-delà de 200 participants. Diriger ces gens est une chose, mais trouver une salle de répétition pour les contenir représente tout un défi. Même au Stade, c'est limite. «Je trouve ça motivant de répéter au Stade avec 200 autres danseurs, dit toutefois Catherine Chagnon. C'est notre rêve olympique qu'on réalise!»

Le continental XL, du 26 au 29 mai à la place des Festivals.

La piste sonore

«Dans la première version, on restait plus fidèle au répertoire de la danse en ligne. On s'inspirait des styles musicaux des différentes danses en ligne, précise Sylvain Émard.

Il y a toujours ça, mais on a digressé un petit peu plus cette fois-ci.» Le Continental XL se dansera sur des musiques allant du go-go au funk en passant par la cumbia, un morceau du big band de Tommy Dorsey et du Yma Sumac! La trame musicale est signée Martin Tétreault.

Danse transcontinentale

Le continental revu et augmenté par Sylvain Simard a commencé à voyager. Sa toute première escale à l'étranger fut Mexico où une version locale du Très grand continental (un peu plus de 100 danseurs) a été présentée au mois de mars. L'invitation a agréablement surpris le chorégraphe. «J'avais l'impression de faire quelque chose de très local quand je faisais le spectacle ici, de m'inspirer de la culture d'ici et de parler aux gens d'ici», raconte-t-il.

Photo: Bernard Brault, La Presse