«C'est la première fois qu'on joue cette chanson. On la joue pour vous, nos amis les plus proches», a dit Win Butler à la foule, en introduction à Sprawl II. Juste avant, le chanteur disait que «c'était Noël», à cause des confettis blancs qui tombaient sur la foule.

C'était le rappel. Près de 25 000 personnes venaient de savourer chaque note de  Neighborhood #1 (Tunnels) -le titre qui ouvrait le premier album d'Arcade Fire, Funeral.

Arcade Fire jouait à la maison, comme on dit au hockey. Aucune tête d'affiche n'avait permis à Osheaga d'attirer autant de personnes en une journée, à part Coldplay l'an dernier (30 000). C'est pour dire l'attachement des Montréalais au groupe, qui, depuis cinq ans, est le meilleur ambassadeur de leur ville sur la planète indie-rock.

Cela aussi prouve également à quel point le rock dit indépendant ou alternatif s'est démocratisé au fil des dernières années et comment les goûts musicaux du public se diversifient. Les deux groupes qui précédaient Arcade Fire hier soir sur les scènes principales étaient Pavement et The National. Disons que nous étions loin des ondes des radios commerciales.

Mais revenons au spectacle magique d'Arcade Fire. Était-ce meilleur que dans le stationnement de Longueuil ou qu'au Festival d'été de Québec? Je n'y étais pas, donc je ne saurais vous dire.

Mais je peux affirmer que le spectacle que j'ai vu hier soir était vibrant. Arcade Fire a lancé le bal avec Ready To Start, tirée de son nouvel album, The Surburbs, puis a enchaîné avec Neighborhood #2 (Laika) et No Cars Go.

Les enfants prodiges du indie-rock ont habilement pigé dans le répertoire de leurs trois albums, Funeral, Neon Bible et The Surburbs. Il faut dire que ce ne sont pas les choix qui manquent entre les titres qui respirent la fougue et l'urgence du premier disque (Wake Up, Haïti), les pièces plus sombres et romantiques du deuxième (Intervention, No Cars Go), et les chansons aux mélodies si prenantes du dernier (We Used to Wait et la superbe Surburban War).

Tout était parfait. Il faisait beau, la foule était survoltée...Et merci au fait que le festival Osheaga ait lieu au parc Jean-Drapeau -le public commence presque à en avoir l'habitude-, les feux d'artifice de la Ronde sont venus éclairer le ciel au son de l'envoûtante pièce Rococo, l'un des titres les plus puissants du nouvel album, qui sort officiellement mardi, mais dont les chansons ont largement circulé dans l'Internet.

«On est vraiment content d'être là. Tous nos amis sont là», a dit Régine Chassagne à la foule. Son mari, Win Butler, a aussi remercié les spectateurs plusieurs fois en français. «We love you», a-t-il même dit.

J'apprécierais néanmoins que les membres d'Arcade Fire s'adressent davantage à la foule dans leurs spectacles, mais en même temps, cela alimente le mystère qui plane autour du groupe, qui tient à préserver son jardin secret.

Win Butler s'est approché plusieurs fois du micro pour dire quelques mots en se ravisant au dernier moment. Quand vient le temps de chanter, sa timidité laisse toutefois place à une grande intensité.

En fait, tous les membres d'Arcade Fire sont complètement habités par leurs chansons quand ils sont sur scène. On dirait des bouilloires d'eau brûlante, qui sont sur le point d'exploser.

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Arcade Fire fait du bien à Montréal. Pour beaucoup de Montréalais, le groupe est une «fierté culturelle».

Avec la sortie presque simultanée de The Surburbs, dont beaucoup de critiques ont crié au génie, c'était le groupe parfait pour clore le samedi soir de cette cinquième édition d'Osheaga.

Et ce ne sera sans doute pas la dernière fois, car Arcade Fire ne devrait pas perdre son titre d'ambassadeur musical de Montréal de sitôt.

The National : solide et généreux

Quelques mots aussi sur The National, qui mettait la table pour Arcade Fire. Le groupe de Brooklyn a livré au public une prestation puissante malgré le cadre plutôt intimiste de ses chansons.

The National a surtout pigé dans le répertoire des deux derniers de ses cinq albums, Boxer et High Violet. C'est parti en lion avec Mistaken for strangers, Bloodbuzz Ohio, Slow Show et Squalor Victoria, pendant laquelle Matt Berninger a même réussi à chuter sur le dos sans avoir l'air fou.

Le chanteur à la magnifique voix grave et tourmentée a plusieurs fois mis sa main sur son coeur pendant le spectacle. Il était transporté et sincère dans son interprétation.

Côté musique, le son était plus rock que sur les albums, mais il y avait tout de même une section de cuivres.

Richard Parry d'Arcade Fire s'est par ailleurs joint au groupe à la guitare et aux voix pour Anyone's Ghost et Afraid of Everyone. Deux grands moments pour les fans. Et que dire de Fake Empire.

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Après cinq albums, The National a le succès qu'il mérite. Je ne sais pas si le groupe a convaincu les non-initiés hier soir, mais il avait entièrement sa place en deuxième tête d'affiche d'un grand festival extérieur comme Osheaga. Au risque de me répéter, c'est le signe que la scène indie-rock se porte très bien à Montréal.