Le gars, comme dirait Jean Perron, n'y va pas avec le dos de la main morte... Pour Andrew Keen, l'internet nouveau - web 2.0 dans le jargon «toilé» - réunit des «millions de singes exubérants, dont la plupart n'ont pas plus de talents artistiques que leurs cousins primates, qui s'emploient à ériger une cité numérique d'une médiocrité prodigieuse».

Voilà le ton de Le culte de l'am@teur, qui vient de sortir en traduction aux Éditions de l'Homme et qui a déjà fait passer son auteur pour «l'Antéchrist de Silicon Valley». En après-titre: «Comment internet tue notre culture»... En plus de l'économie et des valeurs démocratiques, que le plus grand réseau de l'histoire humaine est censé promouvoir et représenter.

 

L'argument central de Keen: «La voix du sage ne compte pas plus que les bredouillements de l'imbécile» dans cet univers où toutes les vérités se valent. Pour lui qui dénonce «l'effondrement de l'autorité culturelle» - ses détracteurs l'accusent d'ailleurs de promouvoir «le culte de l'expert» - des sites au contenu généré par les utilisateurs (anonymes) comme YouTube et MyFace sont autant de «temples de l'autodiffusion (qui) prétendent favoriser l'interaction sociale, mais leur vocation est en réalité purement narcissique». Wikipédia? «L'amateurisme (y) est roi» qui «perpétue à l'infini le cercle vicieux de l'ignorance et de la désinformation».

Tant les traditionalistes de l'écrit que les «wikipédiastes» trouveront avantage à lire Le culte de l'am@teur, qui, au-delà de l'évidente provocation, cherche les moyens de tirer le maximum de cette révolution - chaque seconde, un nouveau blog est créé dans le monde - dont on n'est pas près de voir le bout. En posant plus de questions qu'il n'apporte de réponses, il est vrai, mais n'est-ce pas là le chemin de la Vérité?

À l'ère du «darwinisme numérique», comment faire pour que cette merveilleuse technologie offre autre chose que «des versions personnalisées de la réalité qui reflètent nos myopies individuelles»?

Ou Cioran aura-t-il (encore) raison, qui disait que «l'homme est un gorille qui a mal tourné»?