Convaincue que «le développement du marché du livre au Québec repose sur le maintien d'un réseau de librairies diversifié et dense», l'Association des distributeurs exclusifs de livres en langue française (ADELF) veut convaincre ses partenaires de la chaîne du livre de la nécessité d'amener le gouvernement à réglementer le prix de vente au détail des livres.

Après un vaste exercice de réflexion tenu à l'automne, l'ADELF - une vingtaine de sociétés qui comptent pour 98 % du chiffre d'affaires de la distribution du livre au Québec - organise la semaine prochaine à Montréal une «séance d'information et de discussion à l'intention des professionnels de tous les secteurs du livre».

Voilà donc relancé le vieux débat sur le «prix unique» du livre que la France, pour sa part, a institué en 1981, la même année pendant laquelle le gouvernement québécois a adopté ici la Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre. Cette loi «audacieuse», parrainée par le ministre de la Culture du temps, Denis Vaugeois, avait comme objectif de «ne pas laisser le développement du lectorat et de l'industrie nationale du livre aux seules forces du marché», lit-on dans le document de réflexion de l'ADELF que La Presse a obtenu.

La loi 51 instituait entre autres les librairies agréées - auprès desquelles toutes les institutions publiques ou subventionnées sont tenues de s'approvisionner - mais ne touchait pas le contrôle des prix. Depuis, beaucoup de choses ont changé. L'arrivée dans le commerce du livre des grandes surfaces, par exemple, a provoqué un «choc», avec un modèle d'affaires «simple et efficace» qui leur confère 30% du marché du livre ici: les Wal-Mart et Costco offrent un choix limité de best-sellers à des prix imbattables.

Par exemple, hier, Costco vendait Les sept jours du talion de Patrick Sénécal (Alire) 18,49 $ alors que le prix de vente suggéré est de 24,95 $. C'est un rabais de l'ordre de 25 % que les librairies indépendantes ne peuvent tout simplement pas se permettre.

En France, il semble que le prix unique fasse l'unanimité. L'éditeur Michel Lafon, pourtant champion des best-sellers, y voit «une très bonne chose». «Le prix unique, nous dira-t-il, permet aux librairies de vivre. Comme le prix est le même partout, les gens ont tendance à préférer la librairie du coin au grand carrefour.»

«Ce qui me choque ici, au Québec, poursuit l'éditeur français des Chevaliers d'Émeraude d'Anne Robillard, c'est que les grandes surfaces vont vendre une biographie de Céline Dion à moitié prix pour attirer les clients dans leurs magasins. Les gens prennent le livre sur la table, et, plus loin, ils mettent des petits pois et des carottes dans leur panier.»