Trois bédéistes partagent leur vision de Red Ketchup et de son importance dans la bande dessinée québécoise.

Jean-Paul Eid, bédéiste

«On entend souvent dire que la culture québécoise se trouve au confluent de l'Europe et de l'Amérique. Red Ketchup est vraiment l'incarnation de ça en bande dessinée. Réal (Godbout) est arrivé avec une ligne claire presque hergéenne et une rigueur documentaire presque malade. Parallèlement à ça - je pense que c'est l'apport de Pierre Fournier - la série parlait d'une espèce de sous-culture populaire américaine où il y a les congrès d'imitateurs d'Elvis Presley et les mauvais films de série B, expose Jean-Paul Eid, créateur de Jérôme Bigras. J'ouvrais ces albums-là et c'était comme une classe de maître à chaque fois.»

Mira Falardeau, bédéiste et historienne

«Ce n'est pas la chercheuse en BD qui répond, mais la lectrice de bande dessinée. Ma sensibilité de femme n'a jamais accroché à la violence de Red Ketchup, même si on parle d'une satire de la violence. Je n'en étais pas une fervente lectrice, précise d'emblée Mira Falardeau, bédéiste et auteure d'une Histoire de la bande dessinée au Québec. Cela dit, il faut rendre à César ce qui est à César: les dessins sont absolument époustouflants, c'est du grand art.»

Jimmy Beaulieu, bédéiste

«Red Ketchup, c'est peut-être parmi les cinq ou six oeuvres les plus importantes au Québec. Il a eu une espèce d'effet Maurice Richard pour ma génération. Il aurait été facile de penser qu'on est dans les ligues mineures au Québec, sauf qu'il y a eu ce truc qui est allé chez Dargaud, dit Jimmy Beaulieu, auteur de Comédie sentimentale pornographique. Pour moi, c'était le signe qu'il était possible de faire de la BD, de sortir d'ici et de faire des bandes dessinées qui étaient aussi bonnes que ce qui se faisait ailleurs. C'est ce que j'appelle l'effet Maurice Richard.»