José Navas revient à Montréal avec la première montréalaise de S. S comme simplicité, S comme Satie. Le chorégraphe et danseur, épris d'épure et de silence, amène huit danseurs la Compagnie Flak à se mettre à nu, face au spectateur, dans une pièce portée par Erik Satie et la pianiste Claire Chevallier.

C'est dans un joyeux brouhaha que l'on arrive chez Flak, au troisième étage d'un immeuble de la rue Sainte-Catherine. Au centre du studio, les danseurs se mettent peu à peu en ordre. Le silence se fait, et c'est le chorégraphe, assis face à eux, qui donne le départ: «... and lights».

 

S démarre sans musique. Satie arrive plus tard, doucement, une fois que les danseurs occupent tout l'espace. «Mon but, c'est qu'une pièce fonctionne en studio, sans costume, et en silence», dit plus tard José Navas. Ce sont les respirations, de plus en plus fortes, et le bruit des pas qui donnent selon Navas le tempo, plus que les notes de musique elles-mêmes.

«C'est quelque chose qui me fascine beaucoup de regarder les danseurs danser en silence. Normalement, on associe la musique à la danse, mais j'aime que le mouvement comme tel soit la musique. Les respirations sont des tempi et sont déjà la structure», explique-t-il.

D'abord danseurs isolés et ordonnés, les huit interprètes évoluent vers des tableaux de groupes. Duos, trios, pas de deux: les interprètes quittent la scène, et reviennent ensuite, délestés peu à peu de leurs vêtements. D'abord le haut, puis le bas: une façon de donner à voir au spectateur le corps dans l'effort. S culmine avec une marche presque méditative, organique, des huit interprètes, qui avancent lentement, yeux clos.

«Si on ferme les yeux, on bouge d'une façon intuitive. Juste de marcher lentement avec les yeux fermés donne cet espace pour aller plus loin. On respire simplement, on donne aussi l'occasion au spectateur de regarder huit instruments qui nous ont fait voir des choses pendant une heure. Ce dernier tableau est la pièce pour moi: il y a une simplicité, et beaucoup d'humanité», détaille Navas.

Mises à nu

José Navas offre une mise à nu physique, et aussi intellectuelle, puisque les visages des danseurs donnent à voir une partie de leur intériorité ou de leur intimité. C'est l'aboutissement, pour le chorégraphe, de la recherche «intérieure» du mouvement. Ainsi, le studio de Flak compte bien des barres, mais pas de miroir, ce qui est plus inhabituel.

«Ce n'est pas tout le monde qui le remarque, répond-il, amusé. J'aime bien ne pas travailler avec un miroir. Sur scène, on n'a pas de miroir, juste le noir. Dans ma carrière, je trouvais ça compliqué de danser avec un miroir, car on arrive à la perfection avec le regard. Quand j'ai eu ma compagnie, j'ai décidé de ne jamais avoir de miroir: tout ce que l'on trouve vient de ce que l'on sent.»

Créé l'an dernier pour le Concertgebouw de Bruges, S a déjà tourné en Europe, où l'accueil, s'émeut Navas, a été très favorable. S reste encore en évolution: les répétitions montréalaises perfectionnent encore la pièce (ou la «clarifie», comme dit Navas). Chaque répétition est d'ailleurs filmée. «Camera never lies», dit le chorégraphe.

À Montréal, pour Danse Danse, S sera précédée d'un court solo de José Navas, Villanelle, porté par Vivaldi. «C'est un prologue, une capsule dans laquelle se trouve l'essence de la pièce», dit-il. C'est avec un autre solo que José Navas reviendra dans quelques saisons à Montréal, intitulé Love Songs.

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José Navas, S et Villanelle, du 25 au 28 novembre au Centre Pierre-Péladeau. On peut visionner entrevues et extraits du spectacle sur le site de la compagnie: www.flak.org