L'abolition de deux programmes fédéraux de soutien à la diffusion des arts à l'étranger ajoutée au spectre d'une crise d'économique mondiale sèment l'inquiétude chez les diffuseurs, managers et gestionnaires du monde du spectacle, qui craignent de ne pas pouvoir respecter tous leurs engagements.

Plus de 600 représentations de spectacles canadiens à l'étranger sont d'ailleurs menacées selon un coup de sonde mené par la Conférence nationale des arts de la scène (CINARS), qui a débuté hier à Montréal. «L'inquiétude est installée et elle est palpable, surtout chez les compagnies du Québec et du Canada, précise Alain Paré, président-directeur général de CINARS. Celles qui ont signé des ententes pour 2009-2010 se demandent si elles pourront respecter leurs engagements.»

PromArt et Routes commerciales, deux des programmes récemment abolis par le gouvernement Harper, permettaient à plusieurs de ces compagnies de boucler leur budget afin d'aller présenter leurs productions ailleurs dans le monde.

«On a déjà des annulations. On sait qu'on ne pourra pas aller en Australie», affirme Lynne ter Metz, directrice marketing chez Les 7 doigts de la main. Ces deux dernières années, la troupe avait reçu 150 000 $ de PromArt. «Nos spectacles, on les tourne beaucoup, alors une coupe comme ça, du jour au lendemain, ça a un impact, poursuit-elle. Mais on veut continuer à exister, on veut trouver des solutions.»

Bernard Sauvé, directeur général d'Eponymus, un gestionnaire spécialisé dans la danse contemporaine établi à Vancouver, estime que, si l'aide gouvernementale n'est pas reconduite dans d'autres programmes, il sera «presque impossible» d'effectuer des tournées internationales sans augmenter les cachets ou la contribution du diffuseur. Une idée aussi évoquée aux 7 doigts de la main, tout comme celle de resserrer les tournées pour limiter les déplacements et en diviser les coûts entre plusieurs diffuseurs.

L'incertitude qui règne dans le milieu mettrait en jeu quelque 600 représentations de différents spectacles, selon un coup de sonde réalisé par CINARS. Les compagnies et agences qui ont pris la peine de répondre au sondage parlent non seulement de budget à boucler, mais aussi de tournées internationales sérieusement amputées ou compromises, ainsi que d'une atteinte au lien de confiance tissé entre leurs entreprises et ses partenaires étrangers.

Le privé, pas une panacée

Vu la conjoncture, on aurait pu s'attendre à ce qu'un atelier intitulé Alternatives au financement public: les connaissez-vous? soit très couru. Une trentaine de personnes seulement s'y sont présentées, hier matin. Il y a été question du très complexe système brésilien de soutien aux arts et du rôle important que jouent les fondations privées aux États-Unis. Adam Bernstein, directeur adjoint de la Fondation Mid-Atlantic, a toutefois tenu à préciser qu'obtenir l'aide d'un fonds privé n'est pas la panacée.

L'appui financier des fondations privées est souvent de courte durée - il faut être chanceux pour décrocher un engagement de trois ans, selon lui - et il est souvent accordé à un seul projet à la fois. M. Bernstein qualifie l'aide gouvernementale de plus «fiable» en ce sens qu'il peut s'agir d'engagements à long terme qui permettent aux compagnies de se structurer, de pérenniser leurs efforts.



Nuages sombres à l'horizon


La conjoncture économique, et le spectre d'une crise économique à venir, aura peut-être pour effet d'amplifier les difficultés des artistes québécois et canadiens à trouver les moyens de rayonner sur la scène internationale. CINARS est un supermarché du spectacle où les diffuseurs viennent faire leur shopping. La situation économique influencera-t-elle leurs choix? «Les gens seront plus sélectifs, prévoit Frank Newman, directeur artistique du Terrapin Puppet Theatre, d'Australie, venu à Montréal pour vendre des productions. Leurs choix seront dictés par la rentabilité. Ils prendront moins de risques et pour les arts ou les productions plus expérimentaux, ce sera plus difficile.»

Debora Staiff, agente de spectacle de Buenos Aires, en Argentine, dit avoir déjà perdu trois tournées en Amérique du Sud cette année. «C'est une conséquence directe de la situation, dit-elle. L'an prochain, en Europe, bien des festivals subiront des coupes de budget, alors je présume qu'il leur sera plus difficile d'acheter des spectacles que cette année ou l'an dernier.»

Alain Paré, lui, ne croit pas que les diffuseurs se montreront plus frileux qu'à l'ordinaire. «Mais ils voudront s'assurer que le financement sera là et que ces compagnies n'annuleront pas leurs spectacles», fait-il valoir. Ce n'est pas qu'un petit problème. Dans le sondage réalisé par CINARS, Les 7 doigts de la main précise que l'assurance qu'une partie des frais de transport étaient défrayés par le gouvernement du Canada constituait un élément capital lors de la conclusion d'une entente avec un diffuseur étranger.