On aurait pu craindre que le gouvernement Charest accouche d'une souris. Ce n'est heureusement pas arrivé. Le budget déposé hier par le ministre des Finances, Raymond Bachand, est un budget très austère, mais aussi audacieux, qui propose des virages majeurs et qui est probablement allé le plus loin qu'il était politiquement possible de le faire.

On peut voir à quel point ce budget est courageux quand on le compare à ceux du gouvernement fédéral ou du gouvernement ontarien. Le Québec élimine son déficit plus rapidement qu'ailleurs, et son plan pour y parvenir est autrement plus crédible. Et surtout, sa réflexion sur les grands enjeux qui nous confrontent tous est beaucoup plus achevée qu'ailleurs.

 

Cette audace s'explique en bonne partie par le fait que la situation du Québec est pire que celle de ses voisins. Son endettement est plus important, ses perspectives économiques moins prometteuses, et il doit se préparer une crise démographique qui ne surviendra pas ailleurs. Tout cela forçait le gouvernement du Québec à frapper fort et vite.

Le budget de Raymond Bachand est en fait le deuxième volet de l'exercice amorcé l'an dernier par Monique Jérôme-Forget. Celle-ci promettait l'élimination en quatre ans du déficit issu de la récession, essentiellement avec une réduction de la croissance annuelle des dépenses à 3,2% et à une hausse d'un point de la TPS.

Mais il restait beaucoup d'argent à aller chercher. M. Bachand y parvient en freinant encore plus les dépenses, à 2,8% par année. Mais surtout en annonçant des ponctions fiscales, avec trois gros morceaux: un autre point de TVQ (1,5 milliard), une hausse de la taxe sur le carburant (500 millions) et une nouvelle contribution en santé (1,5 milliard).

Comment faire accepter cela? Les compressions additionnelles permettent au gouvernement de montrer que le ménage dans leurs dépenses sera plus important que l'effort exigé des citoyens. La taxe sur la santé, aussi impopulaire puisse-t-elle être, permet de ne pas ralentir la croissance des dépenses de santé, auxquelles tiennent les citoyens. On note aussi, du côté du Conseil du Trésor, un souci de ne pas toucher aux services aux citoyens, avec des mesures de compressions qui visent surtout les frais administratifs, le gel de la masse salariale, la productivité, la gestion des sociétés d'État, la révision des programmes.

L'exercice est-il crédible? Il manque encore plein de détails du côté du contrôle des dépenses. Mais le processus est beaucoup plus avancé qu'à Ottawa. Le budget, austère, évite la dispersion et les cadeaux, avec de rares nouvelles mesures, très ciblées, liées à la lutte à la pauvreté et à la création de richesse. Et surtout, les prévisions économiques sur lesquelles repose le budget sont prudentes.

Au-delà des objectifs immédiats de la lutte au déficit, ce budget annonce un changement important de philosophie. D'abord, une fiscalité qui sollicite les utilisateurs et privilégie les taxes dédiées, comme pour la santé. Ensuite, la remise en cause de plusieurs vaches sacrées: un ambitieux projet de réorganisation du réseau de la santé, l'introduction d'une franchise en santé, le dégel des frais de scolarité universitaires, une hausse d'un cent des tarifs de l'électricité patrimoniale, en 2014, dont les revenus, chose intelligente, seraient affectés à la réduction de la dette.

Ce budget va certainement provoquer de vives réactions. Le gouvernement Charest devra réussir à expliquer qu'on ne peut pas éliminer le déficit et préserver nos services sans contribution des citoyens. Il devra pour cela miser sur l'intelligence des citoyens.

Derrière cet exercice, il y a un grand pari. Et c'est qu'un budget courageux, mais impopulaire sera plus rentable politiquement qu'un budget qui, en voulant éviter de faire des vagues, consacre l'immobilisme.