Au fond, c'est Geoff Molson qui devrait organiser le premier référendum d'initiative populaire au Québec. Les conditions gagnantes sont réunies. La question serait simple: «Acceptez-vous que Patrick Roy devienne le prochain entraîneur-chef du Canadien?»

Moi, je voterais oui. Dans l'honneur et l'enthousiasme.

Pourquoi? Parce que Patrick Roy représente l'étincelle qui manque si cruellement au Canadien.

Parce que, malgré ses défauts, il est un homme authentique et un véritable passionné de hockey.

Parce que, peu importe ses succès au Colorado et son attachement à Québec, le Canadien demeure sa véritable maison, celle où il a connu la gloire en devenant le joueur le plus apprécié du public depuis Guy Lafleur.

Il arrive parfois que des rendez-vous soient incontournables. Ce printemps, celui du Canadien avec Patrick Roy est de ceux-là.



1. L'étincelle

Bob Gainey a eu une influence énorme au sein du Canadien au cours des dernières années. Non seulement sur la glace, où les résultats ont été moyens, mais aussi dans la culture de l'organisation. Calme et cartésien, Gainey s'est entouré de gens à son image, comme Pierre Gauthier et Jacques Martin.

En refusant de sortir de sa zone de confort, Gainey s'est montré trop conservateur. Une organisation vigoureuse favorise le choc des idées et mise sur des personnalités différentes pour stimuler la réflexion.

Malheureusement, lorsqu'il a succédé à Gainey, Gauthier n'a pas modifié cette approche. Ses gens de confiance, Larry Carrière et Randy Cunneyworth, ont suivi le chemin indiqué. Et dans les coulisses, l'influence de Gainey est toujours grande.

Chez le Canadien, on a l'impression que les dirigeants pensent de la même façon sur tous les sujets. Et que l'émotion est considérée comme un piège à éviter plutôt qu'une composante du succès.

Que ce soit au niveau de la place des joueurs francophones au sein de l'équipe, des politiques de communication de ses hommes de hockey ou de sa compréhension du milieu social dans lequel il évolue, le Canadien est sclérosé. Comme si le dynamisme avait été évacué de son ADN.

Voilà pourquoi le Canadien a besoin d'une personnalité forte capable de questionner, dans le respect de ses collègues, les certitudes de l'organisation. Cette étincelle, Patrick Roy peut la fournir.

Malgré sa popularité auprès d'une large tranche du public, Roy ne fait pas l'unanimité. Son caractère bouillant lui a joué de mauvais tours au cours des dernières années. Personne n'a oublié les détestables événements du printemps 2008 entre les Remparts de Québec et les Saguenéens de Chicoutimi, dans lesquels il a joué un rôle de premier plan. Sa langue bien pendue lui a aussi valu plusieurs amendes.

Je pense néanmoins que Roy a tiré des leçons de ces événements. L'environnement du hockey junior est différent de celui de la LNH. Il aura la finesse d'apporter les ajustements nécessaires.

Une organisation doit parfois oser. C'est ce que le Canadien a fait en embauchant Pat Burns en 1988. Serge Savard, alors le DG de l'équipe, se doutait qu'il aurait peu d'atomes crochus avec cet ancien policier. Mais il croyait qu'une personnalité différente était nécessaire derrière le banc. Et même si les deux hommes n'ont jamais pris leurs vacances ensemble, le pari a fonctionné durant trois saisons.

La situation n'est pas la même qu'à l'époque. Sauf pour une chose: le Canadien a besoin d'un sérieux coup de barre.

2. L'authenticité

Parce qu'il livre le fond de sa pensée à l'heure de la rectitude politique, Patrick Roy a la réputation d'être arrogant.

Ce n'est pas entièrement faux. Remarquez qu'on ne connaît pas une carrière comme la sienne sans une grande confiance en soi. Et lorsqu'on est un bagarreur dans l'âme, et qu'on ne déteste pas s'exprimer publiquement, ce trait de caractère peut entraîner un problème d'image.

Cela dit, Patrick Roy possède une magnifique qualité, qui passe trop souvent inaperçue. Il est un homme authentique, fier de ses racines et proche des gens.

Imaginez: durant sa carrière, Roy a touché plus de 55 millions en salaires. Assez pour s'établir dans un manoir au Colorado, jouer au golf l'été et faire du ski l'hiver. Sa carrière terminée, il a plutôt choisi de retourner à Québec, sa ville d'origine. Et d'investir dans le hockey junior.

Entraîneur-chef des Remparts, qu'il a menés à la conquête de la Coupe Memorial en 2006, il n'a jamais regretté les avions nolisés et les hôtels huppés auxquels s'habituent si vite les joueurs de la LNH. Depuis toujours, il trouve son bonheur dans le hockey, pas dans ses artifices. À 46 ans, sa passion pour son sport demeure viscérale.

3. Le rendez-vous

On connaît tous l'histoire: le séjour de Patrick Roy à Montréal s'est mal terminé en 1995. Pendant que le Canadien amorçait une interminable chute vers la médiocrité, il a gagné deux Coupes Stanley avec l'Avalanche.

Roy aurait pu bomber le torse, tourner le Canadien en ridicule. Il n'a jamais agi ainsi. Et lorsque l'organisation a retiré son chandail numéro 33 en novembre 2008, il a eu cette phrase magnifique: «Ce soir, je rentre chez nous».

Devant la foule qui l'acclamait, Roy a ajouté: «Merci d'être exigeants, merci de nous demander de jouer chaque match comme si c'était le dernier».

Voilà précisément la philosophie qui devrait animer le Canadien. Patrick Roy est là, prêt à la mettre en oeuvre.

Le rendez-vous tombe sous le sens.

Geoff Molson aura-t-il la sagesse de s'y présenter?

Photo: Martin Roy, Le Droit

Patrick Roy a mené les Remparts de Québec à la conquête de la Coupe Memorial en mai 2006.