Le 4 mars dernier, la ministre de la Coopération internationale, Bev Oda, a assisté à un congrès de l'Association des prospecteurs et des promoteurs du Canada, qui regroupe la fine fleur de l'industrie d'extraction canadienne.

S'adressant aux congressistes, elle s'est réjouie de constater à quel point son ministère et les sociétés minières poursuivent, au fond, les mêmes objectifs. Les mines sont un «stimulant économique [...], une des pierres d'assise des civilisations» dans les pays dont elles creusent le sol, a-t-elle dit, en citant une publication du secteur minier.

Cette vision des choses correspond tellement à la sienne que Mme Oda a eu, dit-elle, l'impression de lire un magazine de coopération internationale. «Merci d'être devenus mes meilleurs nouveaux amis», a-t-elle lancé aux représentants des mines, avant de prendre congé.

Vraiment? Les mines forment la pierre d'assise des civilisations? Parlez-en aux Congolais, qui paient en guerres le prix du cobalt et du cuivre dont regorge leur sous-sol.

Bon, d'accord. Les sociétés minières ne sont pas toutes des prédatrices sanguinaires. Mais leur présence est loin de faire fleurir automatiquement l'économie des pays dont elles exploitent les ressources. Et elles ont une fâcheuse tendance à générer des tensions là où elles passent.

Depuis quelques années, l'industrie minière tente de se montrer socialement plus responsable. C'est très bien. Mais son but premier, c'est encore de maximiser ses profits. Dans une démarche controversée, Mme Oda veut dorénavant associer l'ACDI à des projets de «responsabilisation sociale» des mines.

Le sujet reste ouvert au débat. Mais la déclaration d'amour de Bev Oda nous amène dans une autre dimension. Est-elle ministre de la Coopération internationale ou de l'Industrie minière? Pincez-moi, quelqu'un...

La ministre Oda a bien le droit de jouer avec de nouveaux amis. Mais regardons un peu ceux qu'elle laisse dorénavant poireauter au fond de la cour. L'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) a remué ciel et terre pour pouvoir la rencontrer. Systématiquement, elle s'est fait dire non.

Le gouvernement conservateur, qui est en train de transformer radicalement l'aide internationale et les pratiques de l'ACDI, ne daigne même pas discuter avec ceux que cela concerne au premier chef. C'est la politique de la porte fermée.

Et s'il n'y avait que ça. Mais le virage dans l'aide internationale n'est qu'un signe d'un chambardement plus vaste, qui touche tout le rayonnement du Canada à l'étranger. Autre signe: la fermeture de Droits et Démocratie, qui a joué un rôle crucial dans de nombreux pays, comme en témoignent éloquemment les articles publiés dans ces pages.

Parallèlement, le ministre des Affaires étrangères, John Baird, annonce la création d'un Bureau des libertés religieuses, dont on ne sait pas grand-chose sauf qu'il doit défendre les libertés religieuses là où elles sont menacées. Calqué sur un bureau semblable rattaché au secrétariat d'État américain, l'organisme a démarré dans la confusion. Dans ses premières rencontres avec des représentants religieux, le ministre a oublié d'inviter des leaders de quelques confessions importantes, dont... l'islam.

Le Bureau défendra-t-il toutes les religions opprimées? Ou seulement certaines? Le cafouillage de départ laisse planer un doute. Et puis pourquoi les droits religieux seraient-ils plus importants que tous les autres droits - avec lesquels ils entrent parfois en collision?

Autre nouveauté: le dernier budget fédéral accorde 5 millions de dollars à l'Agence du revenu du Canada pour surveiller les organisations caritatives et s'assurer qu'elles font la charité, pas de la politique. La loi leur permet de consacrer 10% de leurs ressources à des activités de «plaidoyer». Ce qui implique les discours critiquant, potentiellement, les décisions fédérales... Le gouvernement Harper veut s'assurer que cette limite soit bien respectée.

Résumons-nous. Ottawa semble décidé à ne plus «jouer» avec les ONG trop militantes à son goût. Il a fermé Droits et Démocratie, passé le budget de plusieurs organismes de coopération internationale à la tronçonneuse et laissé planer la menace sur plusieurs autres - tout en refusant de leur parler.

Parallèlement, les conservateurs «jouent» avec des sociétés minières, confondent coopération internationale et politique industrielle, et érigent les droits religieux au rang de droits plus importants que tous les autres.

Ouf. Et ce n'est qu'un début.