Le processus de sélection d'un site où entreposer l'ensemble des déchets nucléaires du pays n'est pas commencé que, déjà, de nombreuses voix s'élèvent afin d'exiger l'exclusion du Québec des sites potentiels.

Alors que s'amorce cet après-midi à Montréal la portion québécoise des consultations de la Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN), tant le Bloc que le Parti québécois s'opposent avec véhémence à l'enfouissement géologique de milliers de tonnes d'uranium usé en sol québécois, a appris La Presse.

Bernard Bigras, porte-parole du Bloc en matière d'environnement, présentera aujourd'hui un mémoire en ce sens devant la SGDN, tandis que le Parti québécois a fait parvenir une lettre à l'organisme.

La Société fédérale, qui inclut tous les producteurs nucléaires -dont Hydro-Québec-, souhaite enfouir profondément dans le Bouclier canadien les quelque 2 millions de grappes d'uranium usées qui ont alimenté au cours des dernières décennies les centrales nucléaires du pays. On pourrait le faire au Québec, en Ontario et au Nouveau-Brunswick, où se concentrent les centrales nucléaires, ainsi qu'en Saskatchewan.

«Le Bloc québécois croit que la désignation d'une province comme potentiel hôte du dépôt géologique profond devrait tenir compte de la quantité de déchets produits sur son territoire», écrit M. Bigras dans son mémoire que La Presse a obtenu.

Or, le Québec n'a produit à ce jour que 3,87% de l'ensemble des déchets nucléaires canadiens, une proportion appelée à diminuer avec le temps. Alors que plusieurs projets nucléaires sont prévus dans le reste du Canada, il existe au Québec un moratoire sur la question depuis les années 70.

«Il nous semble profondément inéquitable que le Québec se retrouve sur la liste des endroits potentiels alors que la part relative de ses déchets ne peut que diminuer», note M. Bigras.

Même son de cloche de la part du Parti québécois dans sa lettre à la SGDN, que La Presse a également obtenue: «Nous nous inscrivons en faux contre votre démarche qui vise à inclure le Québec dans le processus de sélection d'un site pancanadien d'enfouissement de déchets nucléaires.»

Les sept députés signataires rappellent que l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité l'an dernier une motion contre l'enfouissement de déchets et de combustibles irradiés venant de l'extérieur du Québec.

Cela dit, tant le Bloc que le Parti québécois soulignent la possibilité que le Québec soit responsable des déchets liés à l'exploitation des centrales Gentilly-1 (fermée en 1979) et Gentilly-2, qui y sont actuellement entreposés.

«Le Québec peut s'engager à gérer ses déchets nucléaires de façon responsable, mais il doit demeurer le principal décideur et éviter de devenir la poubelle nucléaire du Canada, indiquent les députés péquistes. Il en va de notre souveraineté territoriale face à des décisions qui concernent une gestion s'étendant sur les prochains siècles et même des millénaires.»

Des villes intéressées

Ce débat survient alors que des villes canadiennes auraient déjà exprimé le souhait d'accueillir sur leur territoire ces déchets irradiés, ont confié certaines sources bien au fait du dossier.

Les autorités fédérales seraient en effet en possession d'une liste de municipalités intéressées, même s'il s'agit d'un projet à très long terme.

Bien que la SGDN ne soit pas en mesure d'accueillir officiellement les propositions, de nombreuses villes auraient déjà frappé à sa porte pour faire valoir leur candidature. Il a été impossible de savoir si des municipalités québécoises se sont manifestées.

«Il peut paraître curieux que des villes soient intéressées par l'enfouissement, sur leur territoire, de déchets radioactifs, a reconnu une source. Mais il faut savoir que cela créera beaucoup d'emplois et la ville choisie aura droit à certains dédommagements financiers.»

L'idée d'enfouir ce type de déchets est sur la table depuis 1978 au Canada. Estimé à quelque 20 milliards de dollars, le projet actuel est piloté par la SGDN, qui mène une consultation pancanadienne sur les critères qui mèneront au choix d'un processus, lequel mènera à la sélection d'un site.

Tout cela prendra bien des années puisqu'on ne commencera pas à recevoir les candidatures avant 2012, après quoi de nombreuses années pourraient s'écouler avant qu'un choix officiel ne soit fait.

Notons que l'ensemble des documents de la SGDN n'existent qu'en version anglaise, ce que déplore le Bloc.