Assumée à moitié par les villes, la facture du recyclage, qui atteint plus de 125 millions de dollars aujourd'hui, sera graduellement refilée aux entreprises qui mettent en marché les contenants, emballages et imprimés qui se retrouvent dans le bac vert.

Le gouvernement Charest a déposé mercredi matin un projet de loi prévoyant le transfert au privé de la totalité des coûts de collecte, de transport et de tri des matières recyclables en 2015. Il honore ainsi une promesse faite il y a quatre ans déjà.

Concrètement, cela signifie que les entreprises qui produisent des contenants et des emballages devront payer 100% des coûts de recyclage de leurs produits, tandis que la contribution des journaux sera plafonnée.

En plus d'alléger les municipalités d'une importante responsabilité financière, cette mesure aura pour effet de réduire la quantité d'emballage qui se retrouve sur les tablettes, selon la ministre de l'Environnement, Line Beauchamp.

«Je suis convaincue qu'une plus grande participation des entreprises au financement de la collecte sélective favorisera l'écoconception et la réduction des emballages et qu'elle aura pour effet d'augmenter le taux de récupération des matières recyclables», a indiqué la ministre.

La promesse de compenser les villes à 100% pour les coûts du recyclage faisait partie de l'entente de partenariat Québec-municipalités signée en 2006. Pour honorer cet engagement, Québec entend hausser annuellement la part de la facture imposée au privé. De 50% aujourd'hui, elle sera augmentée à 70% pour l'année fiscale en cour, puis elle grimpera tranquillement pour atteindre 100% en 2015.

«Ainsi, ce seront les entreprises qui mettent en marché ou qui utilisent les emballages, les contenants, les journaux et les autres imprimés ainsi que les consommateurs de ces produits qui assureront le financement de la récupération de ces matières, plutôt que les contribuables, par leurs taxes», souligne le ministère de l'Environnement dans son document explicatif.

Réactions mitigées

Si le Front commun pour une gestion écologique des déchets (FCQGED) applaudit ce geste, les villes de taille moyenne réunies au sein de la Fédération québécoise des municipalités (FQM) s'en désolent. Tout comme le Parti québécois, elles estiment que le transfert des coûts au privé ne se fait tout simplement pas assez vite.

«La ministre Beauchamp renie l'engagement pris en 2006 par son gouvernement d'offrir une compensation correspondant à 100% des coûts dès 2010, déclare le président de la FQM, Bernard Généreux. Cela, alors que les municipalités doivent composer avec des volumes de matières collectées qui ne cessent d'augmenter.»

La Fédération souligne que les villes ont investi au cours des dix dernières années plus de 5 milliards de dollars dans la gestion des matières résiduelles, mais qu'elles n'ont récupéré qu'à peine 320 millions en compensations. À ce rythme, a-t-il ajouté, l'atteinte des objectifs de la nouvelle politique de gestion des matières résiduelles «est sérieusement remise en question».

Au Parti québécois, on ne comprend tout simplement pas pourquoi la pleine compensation n'est pas encore chose faite. «Si la solution proposée avait été merveilleuse, on aurait pu leur pardonner. Mais elle est non seulement tardive, elle est aussi trop compliquée», selon Scott McKay, porte-parole en matière environnementale.

Les écologistes, tout comme les membres de l'Union des municipalités du Québec, se font plus pragmatiques. «On ne parle plus ici d'un pas en avant, mais bien d'une véritable avancée, indique le directeur du FCQGED, Karel Ménard. Il aurait été bien difficile pour le gouvernement de refiler d'un coup aux entreprises l'entièreté de la facture.»

Comme c'est déjà le cas, l'organisme Éco Entreprises (EEQ) aura le mandat de répartir au fil du temps le coût du recyclage entre les différentes compagnies. En 2008, le coût net des services municipaux de collecte sélective a été évalué à 124 millions de dollars. Selon le régime actuel qui les oblige à assumer près de la moitié de la facture, les entreprises ont versé près de 50 millions aux villes. Selon les projections de Québec, ce montant frôlera les 143 millions en 2015.

D'ailleurs, c'est en notant la grande différence entre la facture actuelle et celle que les entreprises payeront dans cinq ans que la ministre Beauchamp a justifié son échéancier sur cinq ans. «Avec un écart de près de 94 millions, vous comprendrez que je pouvais apporter ce changement en 12 mois», a-t-elle indiqué.

Fin de la clémence

Par ailleurs, le projet de loi déposé mercredi prévoit la fin de la clémence accordée aux municipalités qui recyclent moins. À compter de 2012, Québec souhaite en effet éliminer la garantie faite aux villes qui recyclent peu de recevoir une compensation équivalant à au moins 70% de leurs coûts de collecte, de transport, de tri.

«L'abolition de ce plancher incitera les municipalités qui en bénéficiaient à réduire leurs coûts et à devenir plus performantes», estime le ministère.

Aussi, le nouveau régime continuera à accorder un avantage aux journaux, au grand dam des villes. Au cours de la période 2005-2009, ces derniers ont vu leur contribution être plafonnée à 1,3 million de dollars par année (payés en argent ou en espace publicitaire). Le projet de loi établit cette fois des plafonds de contribution annuels, qui passeront de 2,66 millions cette année à 3,80 millions pour 2015 et pour les années subséquentes.

Enfin, Québec a décidé d'aller de l'avant avec la hiérarchisation des différentes techniques de récupération, comme le révélait La Presse il y a quelques semaines. Afin de mettre de l'ordre dans le fouillis actuel, qui met sur un pied d'égalité des modes de valorisation plus écologiques (la biométhanisation, par exemple) et plus énergivores (la gazéification), Québec entend modifier la loi afin que soit privilégié, dans l'ordre: la réduction à la source, le réemploi, le recyclage (dont le traitement biologique), la valorisation énergétique, puis l'élimination.

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Portion payée par les entreprises:

- 2009: 50%

- 2010: 70%

- 2011: 80%

- 2013: 90%

- 2015: 100%