C'est une crainte des anti-OGM devenue réalité: deux mauvaises herbes résistantes au glyphosate, le désherbant utilisé avec les semences Roundup Ready de Monsanto, ont été détectées en Ontario. «Il est certainement possible qu'elles puissent arriver au Québec», pense François Tardif, le professeur au département de phytologie de l'Université de Guelph qui a identifié les plantes récalcitrantes.

La surutilisation du glyphosate, qui représente 63,7% des ventes d'herbicides agricoles au Québec, selon le bilan des ventes de pesticides de 2008, est en cause. «Toute médaille a un revers, fait valoir M.Tardif. C'est le même phénomène qui touche les antibiotiques. L'utilisation à grande échelle entraîne une réponse biologique et une perte d'efficacité.»

Le ministère de l'Agriculture du Québec (MAPAQ) se dit «très concerné par l'identification de deux plantes résistantes au glyphosate en Ontario», a indiqué Danielle Bernier, de la direction de la phytoprotection du MAPAQ. Leur progression est suivie «attentivement», a-t-elle assuré par courriel.

Ces deux mauvaises herbes résistantes sont la grande herbe à poux haute d'un à quatre mètres et la vergerette du Canada, dont la présence dans le sud-ouest de l'Ontario a été confirmée en mai. Aux États-Unis, les plantes qui survivent au Roundup apparues dès 1998 infestaient environ 11 millions d'acres en septembre dernier, cinq fois plus qu'il y a trois ans, selon David Mortensen, de l'Université Penn State.

Hausse des épandages d'herbicides en vue

«L'effet sur le public en général est minime, indique François Tardif. C'est inquiétant surtout pour les producteurs de grandes cultures.» Pour se débarrasser des mauvaises herbes résistantes, ils doivent épandre plus souvent, un mélange de glyphosate et d'autres herbicides, voire revenir au sarclage mécanique. Or, le labour favorise l'érosion et la contamination des cours d'eau.»

«Les agriculteurs du Québec sont de plus en plus sensibilisés» au problème, dit René Mongeau, président de l'Ordre des agronomes. Mais il reste du travail «pour bien leur faire valoir les conséquences à moyen et long terme de l'utilisation à répétition du glyphosate», ajoute-t-il.

Monsanto prépare une solution: des semences génétiquement modifiées pour survivre au dicamba, un autre herbicide, sont en cours d'élaboration. Reste à voir combien de temps il faudra pour qu'une mauvaise herbe résistante au dicamba ne vienne narguer les agriculteurs.