Après les fleurs du prix Nobel, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) reçoit le pot. Une série de cafouillages incite certains membres à exiger un resserrement des procédures, afin de garantir leur fiabilité.

Au cours des derniers jours, non seulement le GIEC a-t-il dû admettre «une erreur regrettable» liée à une prédiction erronée, mais il a aussi été accusé de conflit d'intérêts et de manque de transparence.

La première salve est venue des hauteurs de l'Himalaya, dont les glaciers ne fondent pas aussi vite que le prétend le GIEC dans son dernier rapport. On peut y lire que la fonte de ces glaciers est si rapide qu'ils menacent de disparaître d'ici 2035.

Or, cette évaluation n'a rien de scientifique, s'est excusé samedi le Groupe. La prédiction provient en effet de la citation, dans le New Scientist, d'un chercheur indien qui a plus tard nié avoir affirmé une telle chose.

Dans la foulée de ces aveux, le Times de Londres a enfoncé un peu plus le clou avec deux nouvelles révélations, celles-ci démenties avec vigueur par le président du GIEC, Rajendra Pachauri. Elles sont qualifiées de «mensongères et sans fondement».

Le quotidien a soutenu lundi que M. Pachauri a profité financièrement de la fausse prévision sur l'Himalaya en permettant au Energy and Resources Institute, qu'il dirige, de toucher plus de 500 000 $ en fonds de recherche.

La veille, le journal affirmait que le Groupe d'experts a tracé, sans preuves, un lien entre le réchauffement de la planète et la hausse des coûts financiers liés aux catastrophes naturelles. Cette prédiction proviendrait d'un rapport non révisé par des pairs, passage obligatoire pour les études scientifiques.

Tout cela, évidemment, sur fond de «Climategate», ce «scandale» né en novembre dernier du dévoilement, par un pirate informatique, de milliers de courriels échangés entre climatologues. Certains ont cru que des données contredisant la thèse du réchauffement planétaire avaient été détruites, ce qui a été nié.

Resserrer les méthodes

Que conclure de tout cela ? Deux choses, selon les différents experts du GIEC interviewés : aucun système n'est parfait, ce qui explique que de rares erreurs puissent se retrouver dans les rapports du GIEC ; un resserrement des méthodes de travail du Groupe sont nécessaires, afin d'éviter que sa crédibilité soit ainsi remise en question.

«Le but du GIEC est de tenter de dégager les conclusions des plus récentes études, rappelle René Laprise, seul Québécois a avoir été choisi comme auteur du GIEC. Le corollaire est qu'on ne peut se cantonner à citer ce qui est totalement et parfaitement compris et documenté, comme les lois de Newton ou Maxwell.»

«On doit parfois utiliser le "meilleur jugement éclairé", pour donner ce qui semble être probable ou consensuel, sur des points qui ne seront absolument démontrés que bien plus tard», ajoute le directeur du Centre pour l'étude et la simulation du climat à l'échelle régionale de l'UQAM.

Certains autres membres du GIEC cités par le New York Times mardi, comme Michael Oppenheimer de l'Université de Princeton, vont dans le même sens. Comme René Laprise, ils estiment que toute erreur est bonne en ce qu'elle permet de faire mieux par la suite.

Mais deux d'entre eux vont plus loin, soulignant la nécessité de rendre plus transparentes les façons de faire du Groupe d'experts. Le Dr Pachauri a promis samedi de revoir les procédures de relecture avant publication afin d'en garantir la fiabilité.

Le fond de la question

Cela dit, selon René Laprise, l'erreur sur les glaciers himalayens ne change rien au fond de la question : les scientifiques s'entendent sur le fait que l'accumulation des gaz à effet de serre provoquera probablement la fonte des glaciers. Mais peut-être pas au rythme précisé par l'étude fautive.

En ce sens, ni l'existence des changements climatiques ni son origine anthropique ne peuvent être remis en question, dit-il. «La physique du phénomène est comprise depuis plusieurs décennies et ne peut être remise en cause, précise-t-il, sauf si on est vraiment de mauvaise foi, ou qu'on a des intérêts à nier l'évidence scientifique.»

Dans son dernier rapport, publié en 2007, le GIEC se dit certain à plus de 90 % que l'activité humaine est à l'origine du réchauffement planétaire.