Au moment où l'exploitation des gaz de schiste soulève des inquiétudes, l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) embauche un nouveau directeur général proche du pouvoir: Stéphane Gosselin, jusqu'à tout récemment chef de cabinet au sein du gouvernement Charest.

M. Gosselin a démissionné vendredi dernier de son poste de chef de cabinet du ministre du Développement économique, Clément Gignac. Il est entré rapidement en fonction à l'APGQ, lundi, le jour où l'Association a annoncé le lancement d'une offensive de communication sur les gaz de schiste. La veille, le gouvernement Charest avait mandaté le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) pour qu'il tienne des consultations sur l'exploitation de cette filière énergétique.

Entre 2006 et 2008, Stéphane Gosselin a notamment été chef de cabinet à l'Environnement et aux Ressources naturelles, deux ministères impliqués dans le dossier des gaz de schiste.

Selon une directive du premier ministre Jean Charest, un membre du personnel d'un cabinet ministériel ne peut, durant l'année qui suit son départ, accepter d'occuper une fonction au sein «d'un organisme, d'une entreprise ou d'une autre entité n'appartenant pas à l'État et avec lequel il a eu des rapports officiels, directs et importants au cours de l'année qui a précédé la cessation de ses fonctions».

Au cours d'un entretien téléphonique, Stéphane Gosselin a assuré à La Presse n'avoir «jamais» eu de «rapports» avec l'APGQ dans le passé. Notons que l'Association est née en 2009 seulement. M. Gosselin a ajouté n'avoir «jamais» touché au dossier des gaz de schiste, que ce soit au Développement économique, à l'Environnement ou même aux Ressources naturelles. «Je n'ai jamais eu à faire avec ces gens-là avant d'aller en entrevue», a-t-il noté. Il a répondu à une offre d'emploi publiée dans des quotidiens au cours de l'été, sans avoir été courtisé au préalable, selon ses dires.

Ce passage rapide du gouvernement à l'APGQ, «ce n'est pas une faute, ce n'est pas illégal. Je respecte toutes les lois et tous les règlements en vigueur», a-t-il martelé.

Vérifications auprès du Commissaire au lobbyisme

M. Gosselin dit avoir lui-même fait des vérifications auprès du Commissaire au lobbyisme afin de s'assurer de respecter la loi. Il ne pourra exercer des activités d'influence auprès du ministère du Développement économique, mais il pourra le faire auprès de l'Environnement et des Ressources naturelles, selon l'avis qu'il a obtenu. M. Gosselin a toutefois noté que ce sont d'autres représentants de l'APGQ qui sont chargés de faire du lobbyisme auprès du gouvernement.

Vérifications faites, l'APGQ compte pas moins de 38 représentants inscrits au registre des lobbyistes depuis mars 2009. Leur mandat est de «représenter les intérêts des membres de l'Association (...) relativement à l'intention du gouvernement du Québec de mettre en place une nouvelle loi sur les hydrocarbures afin d'élaborer un régime encadrant la recherche et l'exploitation des hydrocarbures au Québec», peut-on lire dans le registre. Selon son inscription, l'APGQ fait du lobbyisme auprès du cabinet de Jean Charest et de neuf ministères. Dont celui du Développement économique, bien que M. Gosselin dit n'avoir lui-même jamais eu de rapports avec cette association.

«Pas de lien de promiscuité»

Stéphane Gosselin a affirmé à La Presse ne pas avoir été associé à la décision du gouvernement de faire appel au BAPE et de rejeter un moratoire sur l'exploitation des gaz de schiste. Il était en vacances au cours des trois dernières semaines.

Même s'il passe du jour au lendemain du gouvernement Charest à l'APGQ, Stéphane Gosselin estime qu'«il n'y a pas de lien de promiscuité» entre Québec et l'industrie des gaz de schiste. Rappelons que l'APGQ est présidée par André Caillé, ancien patron d'Hydro-Québec.

En conférence de presse lundi, M. Caillé avait nié tout «complot» orchestré avec le gouvernement - favorable à l'exploitation des gaz de schiste - pour convaincre les Québécois des bienfaits de cette filière énergétique.

Stéphane Gosselin a pour mandat de mettre en oeuvre la campagne d'information annoncée par M. Caillé. L'APGQ tiendra des assemblées publiques entre le 14 et le 28 septembre à Bécancour, Saint-Édouard-de-Lotbinière et Saint-Hyacinthe. De son côté, la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, rendra public un document d'information sur les gaz de schiste d'ici le 14 septembre, tout juste avant le début des assemblées de l'APGQ.