La nervosité des négociateurs est croissante à la Conférence de Poznan sur le climat. En raison de la lenteur des travaux, certains doutent de pouvoir élaborer à temps, l'an prochain, un traité succédant à Kyoto.

Selon des sources proches des négociations, le piétinement des pourparlers, mais aussi la crise économique et l'absence des représentants clés de la future administration Obama, incitent de plus en plus de délégations à envisager un retard du processus.

 

Cela ne remet pas en question l'existence de ce futur protocole, mais plutôt son échéancier: la communauté internationale pourrait patienter avant de signer un traité détaillé, se contentant d'une entente de principe lors de la conférence de Copenhague, en 2009.

Or les pays s'étaient entendus l'an dernier, à Bali, sur la nécessité de mener à terme les négociations dès l'an prochain, afin que tous puissent ratifier le nouveau protocole à temps (la ratification, contrairement à la signature, peut prendre plusieurs années). Cet échéancier a pour but d'éviter que le monde se retrouve sans cible après 2012, échéance de Kyoto.

Le patron du bureau climatique de l'ONU, Yvo de Boer, a en quelque sorte confirmé ses craintes, hier, en minimisant les attentes. Il a reconnu qu'il ne sera pas possible de présenter l'an prochain «un protocole complet et élaboré».

Il croit cependant important de fixer pour chaque pays, dans les 12 prochains mois, la cible de réduction des émissions qui se retrouvera dans le futur protocole.

Obama

La possibilité d'un retard d'au moins un an plane sur les négociations depuis la semaine dernière, alors qu'un représentant du Pew Center on Global Climate Change a soutenu qu'il était impossible pour les États-Unis de ratifier rapidement un tout nouveau protocole.

«L'élaboration d'un plan américain de lutte contre les changements climatiques, incluant une Bourse climatique, est improbable en 2009. Cela pourrait se faire au plus tôt en 2010», a indiqué Elliot Diringer.

Cette déclaration avait alors fait bondir le responsable des questions climatiques à l'ONU. «Ce type de raisonnement n'est ni utile ni nécessaire, avait-il rétorqué. Il y a eu un engagement international à Bali, selon lequel nous travaillons pour aboutir à Copenhague.»

Un retard serait-il dramatique? Tout dépend de ce qui se trouve dans l'entente de principe adoptée à Copenhague, selon Steven Guilbeault, d'Équiterre. «Si on a tous les éléments principaux, comme les cibles pour les pays industrialisés et le financement pour l'adaptation (aux changements climatiques), tout le monde pourra vivre avec ça sans problème.»

Mais si ces éléments n'y sont pas? Ce sera un échec, reconnaissent à la fois M. Guilbeault et M. de Boer.

Selon des sources bien au fait des discussions entre pays, certaines questions que l'on croyait réglées ont rencontré une résistance inattendue, ce qui ralentit les travaux. On cite par exemple la fameuse cible de réduction à l'horizon 2020, soit 25 à 40% sous le niveau de 1990. Comme le révélait La Presse hier, certains pays, dont le Canada, remettent en question un tel objectif, même si plusieurs croyaient qu'il faisait consensus depuis 12 mois.

Bien qu'il y ait à Poznan des représentants de l'équipe de transition du président désigné des États-Unis, Barack Obama, l'absence de délégués officiels poserait aussi un problème. Un certain doute plane, parmi les négociateurs, sur la cible qu'accepteront de ratifier les Américains.

Assuré de la présidence et d'un congrès fortement démocrate, M. Obama souhaitera-t-il revoir à la hausse sa cible, proposée en campagne électorale, que l'on juge peu ambitieuse (ramener les gaz à effet de serre de son pays à leur niveau de 1990, en 2020)?

Enfin, la crise économique plane elle aussi sur les travaux, quoique de façon moindre qu'anticipée. Certains rares pays utiliseraient la crise pour justifier une volonté plus timide.

Les ministres de la centaine de pays présents à Poznan doivent converger aujourd'hui vers la conférence, afin de préparer le blitz de négociations «de haut niveau», qui se tiendra jeudi et vendredi.

Le ministre fédéral de l'Environnement, Jim Prentice, est attendu. De même que son homologue québécoise, la ministre Line Beauchamp. Cette dernière participera à deux rencontres multilatérales, mais ne sera pas des négociations.

Pour joindre notre journaliste: francois.cardinal@lapresse.ca