«C'est confirmé? Quelle horreur!» La protectrice du citoyen, Florence Elie, n'avait pas voulu croire les premières rumeurs qui circulaient. La fermeture du bureau de Droits et Démocratie en Haïti la laisse pantoise, comme tous les partenaires de l'organisme, qui appuyait jusqu'à mercredi dernier des programmes de promotion des pratiques démocratiques dans le pays.

Trouver un autre bailleur de fonds avant le mois de juin tiendrait du miracle. Florence Elie voulait former des centaines d'adolescents à l'engagement citoyen, à la musique et aux sports dans un camp d'été pour les jeunes de la rue et les plus défavorisés du quartier de Cité Soleil. En novembre et décembre derniers, un camp similaire avait été organisé au même endroit. L'été prochain, c'est une «masse d'enfants» qui ne pourront pas être de la partie, s'inquiète-t-elle, et le risque est grand qu'ils se retrouvent plutôt dans des gangs criminels.

«Est-ce que je dois continuer à travailler quand même?», demande un employé haïtien de Droits et Démocratie encore sous le choc. C'est aussi la consternation parmi la dizaine de ses collègues du bureau régional de Port-au-Prince. Ils ont appris la perte de leur emploi par les médias canadiens et québécois.

Dans les prisons pour femmes

«Ce sont les droits de l'homme en Haïti qui en souffriront», déplore le directeur général du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), visiblement agacé lui aussi. Après de nombreuses collaborations, le dernier partenariat du RNDDH avec Droits et Démocratie prévoit du monitorage dans les prisons pour femmes et adolescentes. L'arrêt subit du programme menace surtout la sécurité des jeunes filles, croit Pierre Espérance.

«Depuis quelques années, le gouvernement canadien néglige les organisations locales en Haïti au profit des grandes organisations internationales, qui ne donnent pas les mêmes résultats», poursuit-il.

Le bureau haïtien de l'organisme canadien avait une réputation «exemplaire», une attitude «respectueuse» de la culture haïtienne et de ses traditions, selon ses principaux partenaires.

«C'est aussi l'expertise de Droits et Démocratie qu'on perd», rappelle Lorraine Mangonès, directrice de Fokal, l'une des plus importantes fondations sociales et culturelles d'Haïti. «L'organisme avait une sensibilité et une intelligence particulières, et aussi un respect profond des Haïtiens.» Quelque 500 jeunes adultes dans six quartiers de Port-au-Prince et huit villes en région participaient à un programme des deux organismes sur les techniques de débat, la défense des droits, le fonctionnement démocratique, l'engagement dans les communautés et la résolution de conflits. Un programme qui ne coûte pas très cher, de l'aveu de Mangonès, mais dont l'effet est multiplicateur dans toutes les communautés ainsi que dans l'entourage de ces jeunes.