C'était trop beau pour être vrai.La jolie fillette à la robe rouge et aux queues de cheval qui a impressionné la planète pendant la cérémonie d'ouverture des Jeux de Pékin n'a pas chanté. Elle a seulement fait semblant. La voix d'or que les millions de spectateurs ont entendue est celle d'une autre, jugée non présentable avec son visage plus rond et ses dents «croches».

Exit donc Yang Peiyi, la chanteuse de 7 ans. Le monde a plutôt vu Lin Miaoke, une jolie fillette de 9 ans, faire du lip-sync sur la voix de Peiyi. La beauté de la seconde combinée au chant de la première.

Cette substitution s'est faite «dans l'intérêt national», a expliqué le directeur musical de la soirée, Chen Qigang. «La petite présente à la caméra doit être parfaite en ce qui a trait à son image, son expression et ses émotions», a expliqué à la radio chinoise celui qui est citoyen français.

M. Chen soutient que la décision finale d'avoir recours au lip-sync a été prise après qu'un haut dirigeant chinois, membre du politburo, eut assisté à une répétition. «Il nous a dit qu'on avait un problème et qu'on devait s'en occuper, ce qu'on a fait.»

Le Comité organisateur des Jeux a reconnu que la fillette qui chantait n'est pas celle qu'on a vue à la télé lors de l'interprétation de l'Ode à la nation et de l'entrée du drapeau chinois dans le stade.

En entrevue au New York Times, le père de la petite Miaoke a dit qu'il avait remarqué, en regardant le spectacle à la télé, que la voix de sa fille n'était pas comme d'habitude. Mais il a attribué cette différence à l'acoustique du Nid d'oiseau.

À Turin, en 2006, le ténor Luciano Pavarotti a aussi eu recours au lip-sync pendant une partie de sa prestation. Mais il «chantait» sur sa propre voix, non celle d'un autre.

Et les feux?

Cette controverse survient alors que le comité organisateur en confirme une autre: des «images préenregistrées» ont été utilisées dans la diffusion de la cérémonie d'ouverture. «Elles ont été fournies d'avance aux télédiffuseurs pour des raisons pratiques et d'effets artistiques, comme c'est le cas lors d'autres grands événements internationaux», a indiqué hier Wang Wei, secrétaire général du Comité organisateur.

M. Wang ajoute que ces images ont pu être utilisées par des réseaux «en raison de la faible visibilité» en ville.

À Radio-Canada, la porte-parole a refusé de confirmer que les images de 28 feux d'artifice vues au pays étaient en fait de l'animation 3-D. «On a diffusé ce qui nous a été fourni par le pays hôte», a expliqué Guylaine O'Farrell, précisant que le personnel de la SRC a bel et bien vu des feux d'artifice à l'extérieur du stade.

Oui, il y a eu des feux, mais Pékin a connu vendredi dernier une autre journée de smog, alors que les images des feux donnaient l'impression d'une ville toute propre, plus claire que la réalité.

Selon ce qu'a raconté au quotidien Jinghua Shibao une des personnes qui a travaillé au montage des effets spéciaux, il a fallu un an pour monter ces images. Même l'effet tremblant de l'hélicoptère a été ajouté, pour faire plus réel.

Cette création de 55 secondes a été rendue nécessaire, selon les concepteurs, en raison de l'interdiction de voler au-dessus de Pékin ce soir-là et de la possibilité que l'hélicoptère soit la cible de tirs.

Incrédulité dans les rues

Dans les rues de Pékin, hier, on a pu entendre deux réponses quand on a demandé aux Chinois de commenter les feux d'artifice artificiels. Plusieurs ont dit avoir vu la cérémonie d'ouverture à la télé, «mais pas cette partie-là».

Ceux qui ont voulu se mouiller ont défendu les organisateurs, croyant impossible de faire un tel trucage.

On a eu beau montrer une dépêche d'un journal chinois à Gao Duan, elle-même journaliste, elle se refusait à en croire une ligne. «Je n'ai pas entendu parler de ça, dit-elle avec ses verres fumés de marque Céline Dion au visage. On doit croire seulement les grands journaux.»

Le China Daily, qui rendait hommage à la jeune «chanteuse» hier matin, ne glisse pas un mot aujourd'hui sur le fait qu'elle n'a fait que du lip-sync.