L'opposante birmane Aung San Suu Kyi a lancé un appel dimanche à l'unité des forces démocratiques du pays, signant son retour sur la scène politique après sept ans d'absence, lors d'un discours prononcé au siège de son parti, dès le lendemain de sa libération.

S'adressant à ses compagnons de route de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), et à des milliers de partisans venus la voir reprendre le flambeau contre le régime militaire, Mme Suu Kyi a revendiqué sa place dans l'échiquier politique.

«Je veux travailler avec toutes les forces démocratiques», a déclaré la lauréate du prix Nobel de la paix.

«Je n'ai aucune rancune à l'égard de ceux qui m'ont détenue. Je crois en les droits de l'homme et en la règle de droit», a indiqué l'opposante, vêtue d'une tenue traditionnelle bleu foncé. «J'ai besoin de l'énergie du peuple (...). Je veux entendre la voix du peuple et, ensuite, nous déciderons de ce que nous voulons faire».

Après un bref mais électrique bain de foule samedi soir, lorsqu'elle était apparue radieuse aux grilles de sa vieille demeure familiale de Rangoun, Mme Suu Kyi a retrouvé la même ferveur à la LND dimanche.

S'extrayant avec peine de sa voiture, elle s'est frayée un passage jusqu'au quartier général du parti avec lequel elle est entrée en politique il y a une vingtaine d'années. Les portes se sont ensuite fermées sur une foule en extase, tandis que l'opposante s'entretenait avec des diplomates étrangers.

Plus gandhienne que jamais, celle qui a toujours refusé la violence a appelé ses partisans à ne pas désespérer.

«Je suis pour la réconciliation nationale. Je suis pour le dialogue et quelle que soit mon autorité, je souhaite l'utiliser à cette fin», a-t-elle dit. «J'espère que ce que je fais pour ce pays n'est pas seulement fondé sur l'autorité morale, je voudrais croire que je fais partie (...) d'un mouvement efficace».

Alors que beaucoup doutent du fait que la junte la laisse mener des activités politiques, l'avocat de Mme Suu Kyi, Nyan Win, a confirmé à l'AFP que sa libération était inconditionnelle. «Elle est complètement libre», a-t-il déclaré. «Elle est très heureuse».

Un haut responsable birman avait déjà assuré samedi que sa sortie n'avait été soumise à aucun marchandage, répondant à l'une des inquiétudes de la communauté internationale.

Les espoirs qui pèsent sur les épaules d'Aung San Suu Kyi sont pourtant énormes, à la mesure du charisme de cette femme de 65 ans, aussi fine physiquement qu'apparement indestructible psychologiquement.

«Nous aimerions l'entendre parler de l'avenir politique de la Birmanie, (...) de la situation économique et sociale du pays. Les prix augmentent, notre pauvre peuple souffre. Nous aimerions entendre ses solutions», a expliqué Nyi Min, militant de la LND.

«Notre pays doit devenir démocratique, notre avenir dépend d'Aung San Suu Kyi».

Mais même si ses partisans continuent de voir en elle le seul espoir pour la démocratie, la fille du général Aung San, figure vénérée de l'indépendance, est aujourd'hui affaiblie face à une junte plus puissante que jamais.

La LND, qui a boycotté les législatives de dimanche dernier, a été dissoute par la junte, laissant l'opposition démocratique à genoux. Certains cadres du parti ont fait défection pour créer la Force démocratique nationale (NDF) et pouvoir participer au scrutin.

Les semaines à venir seront essentielles pour mesurer si son appel à l'unité pourra dépasser ces divisions, ou si la fracture est devenue trop profonde.

Aung San Suu Kyi, qui a passé près de 15 des 21 dernières années privée de liberté, devra également réapprendre à connaître un pays dont elle a été complètement coupée depuis 2003.

Sa libération a provoqué depuis samedi un soulagement ému mais prudent au sein de la communauté internationale. De nombreuses capitales ont notamment appelé la junte à relâcher également les quelque 2.200 autres prisonniers politiques que l'opposante, par son aura, a eu tendance à éclipser depuis des années.