Le premier ministre russe Vladimir Poutine a accusé jeudi l'opposition, qui a réuni des dizaines de milliers de manifestants la semaine dernière, de préparer une révolution pro-occidentale, d'être aux ordres de l'étranger, de déstabiliser le pays et de payer des manifestants.

Au cours d'une session de questions-réponses télévisée, M. Poutine a accusé l'opposition de préparer une révolution pro-occidentale comme celle qui avait abouti à un changement de régime en Ukraine en 2004, dans des propos émaillés d'arguments dignes de la rhétorique soviétique à l'époque de la guerre froide.

«En ce qui concerne ces «révolutions de couleur», à mon avis tout est clair. Il s'agit d'un plan mis au point à l'étranger pour déstabiliser la société. Nous savons comment s'est déroulée la «révolution orange» en Ukraine. D'ailleurs, certains de nos opposants étaient alors en Ukraine et tout naturellement, ils transfèrent cette pratique en Russie», a-t-il déclaré.

Interrogé sur ce qu'il ferait s'il était élu à la présidence en mars prochain, M. Poutine a assuré qu'il renforcerait l'État afin que le pays soit en mesure «de s'opposer à tous ces aventuriers qui, de l'étranger, essayent de s'immiscer dans nos affaires et d'influer sur notre vie politique».

«Il y a des gens qui ont un passeport russe et qui travaillent pour des États étrangers», a-t-il relevé, sans préciser qui il visait exactement au sein de l'opposition.

«Comme d'habitude, il attaque l'opposition en expliquant tout par l'influence de l'étranger», relève l'analyste Alexeï Malachenko, du centre Carnegie.

Les manifestations sont «une chose normale, tant qu'elles restent dans le cadre de la loi», a poursuivi M. Poutine en ajoutant aussitôt qu'il était en revanche «inacceptable (que les manifestants) se laissent entraîner dans des opérations de déstabilisation de la société».

Le premier ministre a par ailleurs affirmé que des étudiants avaient été payés pour participer à la manifestation de l'opposition -d'une ampleur exceptionnelle pour la Russie- qui a réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes samedi dernier à Moscou.

«Je sais qu'on a donné un peu d'argent à des étudiants. C'est normal, qu'on les paye... que ces jeunes gagnent un peu d'argent...», a déclaré M. Poutine sur un ton ironique, sans indiquer qui avait payé ces étudiants.

«Poutine a une peur panique des manifestations du peuple depuis la révolution en Ukraine. Il ne croit pas que quelqu'un puisse manifester juste pour défendre ses droits. Il pense que l'on ne fait ça que si on y trouve un intérêt matériel», a commenté Stanislav Belkovski, de l'Institut de la stratégie nationale.

Après les premières grandes manifestations de l'opposition, qui dénonçait des fraudes massives au profit du parti de M. Poutine aux législatives du 4 décembre, le premier ministre avait affirmé que «des centaines de millions de dollars» venant de l'étranger finançaient les activités de l'opposition en Russie.

M. Poutine avait même directement mis en cause la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton, l'accusant d'avoir incité l'opposition à se lancer dans la contestation des élections.

Mme Clinton «a donné le go à certains activistes dans notre pays. Ils ont entendu le signal et, avec le soutien du département d'État, ont commencé à travailler activement», avait alors déclaré M. Poutine en dénonçant ce «scénario du «chaos».

Fin novembre, M. Poutine avait comparé à Judas les ONG spécialisées dans le monitorage des fraudes électorales qui bénéficient de financements américains ou européens, laissant entendre que recevoir des fonds de l'étranger s'apparentait à de la trahison.