Un conseil de dignitaires religieux d'Afghanistan considéré comme proche du président Hamid Karzaï a réclamé vendredi un procès public des responsables américains de l'incinération des Corans il y a dix jours dans une base militaire, un nouvel attentat-suicide blessant le même jour quatre soldats américains dans le sud.

«Le Conseil des oulémas insiste pour dire que cet acte démoniaque ne peut être pardonné sur la base de seules excuses et que ceux qui ont perpétré ce crime devraient être au plus vite jugés en public et punis», lit-on dans un communiqué de la présidence afghane, qui finance le conseil.

Le président Barack Obama en personne s'était empressé de présenter ses excuses au «peuple afghan», qualifiant l'incinération des exemplaires du livre saint de l'islam d'acte «inconvenant», tout en plaidant l'«erreur» de jugement due à l'«ignorance».

Cinq jours de violentes émeutes antiaméricaines et d'attentats avaient fait une trentaine de morts et plus de 200 blessés dans tout le pays et six militaires américains ont péri, depuis, sous les balles de soldats afghans ou de collaborateurs censés être leurs alliés.

Il y a dix jours, des employés afghans de la plus grande base militaire américaine du pays, à Bagram (nord), avaient découvert des restes d'exemplaires du Coran brûlés dans un incinérateur.

À Washington, des responsables affirmaient qu'ils avaient été incinérés sur ordre d'un officier après avoir été saisis sur des prisonniers de la prison de Bagram s'en servant pour se passer des messages.

Vendredi, quatre soldats de l'OTAN ainsi qu'un de leurs traducteurs, un policier et un civil afghans ont été blessés dans un attentat-suicide à la moto piégée visant un convoi de l'ISAF dans un bastion des talibans dans le sud, selon le gouverneur de la province de Kandahar.

Les militaires de l'OTAN blessés sont américains, a assuré à l'AFP Hamdullah Nazek, gouverneur du district de Dand, où a eu lieu l'attentat.

La force de l'OTAN a confirmé l'attaque d'un de ses convois à l'AFP et annoncé qu'elle ne déplorait pas de «tués».

Le scandale des Corans brûlés et ses conséquences sanglantes surviennent au moment où le sentiment antiaméricain atteint son paroxysme en Afghanistan et au pire moment pour la coalition militaire emmenée par les États-Unis qui, face à des opinions publiques occidentales de plus en plus réticentes au maintien de leurs soldats dans le bourbier afghan, a entamé un retrait progressif de ses troupes combattantes censé s'achever fin 2014. Date à laquelle la force internationale doit finir de confier la sécurité du pays aux forces armées afghanes, dont les experts disent, unanimes, qu'elles s'y préparent trop laborieusement et sont infiltrées par les talibans.

Ces derniers, chassés du pouvoir par la coalition internationale fin 2001, ont considérablement intensifié et étendu leur guérilla à presque tout le pays, même s'ils ont accepté le principe d'ouvrir au Qatar un bureau de représentation pour discuter directement avec les Américains d'une éventuelle paix.

Or, le président Karzaï, dont les observateurs disent qu'il est exclu de cette tentative de dialogue entre Washington et les insurgés, est tenté, selon une majorité d'experts, d'attiser le ressentiment antiaméricain pour tenter d'y être intégré. «Le Conseil des oulémas n'est pas un organe indépendant, il est financé par le gouvernement de Karzaï et l'a toujours appuyé quand il en avait besoin», souligne Ahmad Saeedi, écrivain et politologue afghan, ajoutant: «maintenant que la colère s'amenuise dans la rue (...), il utilise ce Conseil pour faire pression sur les Américains afin de leur forcer la main pour jouer un plus grand rôle dans les pourparlers au Qatar».