C'en est assez de ce gluant «esprit des Fêtes», assez de La Mélodie du bonheur, des Douze travaux d'Astérix, de White Christmas et de toutes ces inadmissibles niaiseries ruisselantes de bons sentiments.

Nous, les indéfectibles malcommodes, avons la ferme intention de casser le party, avec violence et sans retenue, en faisant peur aux matantes prévenantes et aux enfants innocents par notre choix de films immoraux et déprimants, joués en enfilade sur une télé sans télécommande. Oui, faisons fuir de bonne heure la parenté, infligeons-lui des abjections sans nom, «clairons» la place, enfin, ne craignons pas d'imposer notre cinéma de casse-pieds...BAD SANTA (2003)

Les enfants nous paraissent incultes et crédules, mais ils savent tous que, sous l'habit rouge et la fausse barbe, se cache un type ordinaire qui n'a rien d'un authentique père Noël, fabulation des parents naïfs. Ici le type, en plus d'être ordinaire, est alcoolo, malappris et même voleur. Le genre de bonhomme dont spontanément on se méfie ; une crapule sordide qui, avec l'aide de son copain nain, profite du temps des Fêtes pour piquer un maximum de liasses en se faisant passer pour Santa avec son lutin.

Cette deuxième comédie de Terry Zwigoff (Ghost World) est non seulement grinçante mais elle crisse...

LE PÈRE NOËL EST UNE ORDURE (1982)

À l'époque, le seul titre de cette sinistre farce avait fait tiquer les mamans françaises conscientisées : «Ne faites pas mal au père Noël ! Laissez rêver nos enfants !» Dommage que le film de Jean-Marie Poiré soit devenu une sorte de classique du temps des Fêtes, ce qu'il devait ne pas être au départ. Douillets, les Américains on titré leur odieux remake Mixed Nuts, au lieu de, disons, «Santa Claus is a scumbag». Mais aujourd'hui, les mésaventures des imbéciles de «S.O.S. Détresse-amitié» font encore rire (d'un rire diabolique) les esprits les plus mesquins, déjà condamnés.

GREMLINS (1984)

Spielberg s'est un peu mordu les doigts d'avoir produit cette funeste plaisanterie de Joe Dante, où de sales et véreuses bestioles tourmentent les habitants d'un village américain typiquement tranquille pendant le temps des Fêtes. Le Gremlin est une créature sans manières, anarchiste, obsédée par le stupre, mais très en joie. Étrangement, on s'attache davantage à cette bibitte indomptable qu'à son alter ego Gizmo, parfaitement mignon et parfaitement sans intérêt. Le film finit bien, mais on s'en rappellera toujours comme d'une virée punk dans les rues de l'insipide Smalltown, USA. Destroy !

UNE HISTOIRE DE NOËL (1983)

Elle aurait pu être tout à fait charmante, cette histoire de Noël des années 40. Mais le canadien Bob Clark habitué aux films d'horreur y a injecté une bonne dose d'ironie, transformant ce film familial en comédie noire. Ici, un gamin fait tout son possible pour recevoir en cadeau le jouet de ses rêves : une carabine à plombs.

Entre autres scènes mémorables, on retient surtout sa troublante rencontre avec un papa Noël de centre commercial particulièrement déplaisant, d'une fée des Étoiles blasée et d'un lutin vilain et boutonneux.

BLACK CHRISTMAS (1974)

Du même Bob Clark, un vrai film d'horreur cette fois, de quoi traumatiser à jamais petites nièces et jeunes cousins, et dans lequel le bon Saint-Nicolas se fait croque-mitaine. Black Christmas a inspiré toute une série de navets sur un sujet semblable, les Silent Night et Deadly Night, qui comptent cinq épisodes, soit une demi-dizaine de trop...

THE REF (1994, DE TED DEMME)

Les bandits ne prennent pas de vacances. Ainsi, en plein réveillon, une brave famille reçoit la visite inattendue d'un jeune malfrat maladroit mais pas trop bête (Denis Leary.) Coincé et forcé de prendre tout le monde en otage, le voleur devra faire preuve de tact afin de réconcilier des gens qui, dans ces circonstances exceptionnelles, n'ont rien trouvé de mieux à faire que régler entre eux quelques comptes personnels. Or, un réveillon gâché équivaut pour nous, bougons, aux plus mémorables festivités...

LE NOËL D'ELVIS GRATTON (1985)

Cruel et ironique destin d'un virulent pamphlet cinématographique, le personnage inventé par Pierre Falardeau et Julien Poulin est depuis imité chaque année par les mêmes mononcles parvenus qu'il devait ridiculiser.

Si la dernière partie du film Elvis Gratton n'est pas à la hauteur des précédentes, elle offre tout de même un morceau de jamais vu, un exemple patent du plus pur quétainisme : le beach-party de Noël, autour d'une piscine intérieure, avec buffet hawaiien, avaleurs de couteaux et orchestre yodle. Combo vomitif s'il en est.

SANTA CLAUS : THE MOVIE (1985)

Oui, un vrai film de Noël, honnête et sincère, mais tellement moelleux et cul-cul qu'il force à la dérision. Dans cette bluette purulente de bonté (signée Jannot Szwarc), le père Noël, un forestier généreux qui donne des cadeaux juste pour être fin, est harcelé par un financier véreux (hargneux John Lithgow). Tellement gentil, le Santa, qu'à la longue, on prend pour le méchant.

Mais nous qui haïssons, de toutes nos fibres, l'esprit des Fêtes et le scandale du réveillon, pourquoi ne resterions-nous pas seuls à la maison pour maugréer tranquillement ? Parce que nous sommes désagréables et que nous tirons d'extraordinaires plaisirs à emmerder les joyeux drilles. Pour vraiment gâcher le party, il nous suffirait en fait d'imposer, en étant extrêmement bêtes, aphones et plates, le malaise et le silence absolus. Mais ça risque, hélas, de faire dire aux fêtards acharnés : «Bon, on regarde-tu un film ?»