La décision du premier ministre Jean Charest de bilinguiser intégralement la 6e année de l'école primaire francophone à la grandeur du Québec - cinq mois en français et cinq mois en anglais - résulte de la conjonction de deux facteurs. Tout d'abord, il existe une soif évidente d'anglais, tout particulièrement dans ces régions massivement francophones où les anglophones sont absents. Joue également une idéologie du bilinguisme qui, indépendamment de la réalité québécoise et des contraintes de notre environnement nord-américain, veut imposer une nouvelle norme : désormais, tous les Québécois doivent être bilingues par principe sous peine de ne pas être mondialisés, modernes et ouverts. Ne parler que le français devient la marque d'un statut inférieur.

La décision du premier ministre Jean Charest de bilinguiser intégralement la 6e année de l'école primaire francophone à la grandeur du Québec - cinq mois en français et cinq mois en anglais - résulte de la conjonction de deux facteurs. Tout d'abord, il existe une soif évidente d'anglais, tout particulièrement dans ces régions massivement francophones où les anglophones sont absents. Joue également une idéologie du bilinguisme qui, indépendamment de la réalité québécoise et des contraintes de notre environnement nord-américain, veut imposer une nouvelle norme : désormais, tous les Québécois doivent être bilingues par principe sous peine de ne pas être mondialisés, modernes et ouverts. Ne parler que le français devient la marque d'un statut inférieur.

Il en résulte une mesure excessive à sa face même, incompatible à terme avec le maintien de la claire prédominance du français sans exclusion de l'anglais au Québec. On veut imposer la 6e année bilingue aux jeunes du Saguenay et de Québec, mais également à Gatineau et au West Island, où vivent des centaines de milliers de jeunes francophones souvent déjà bilingues et pour qui le défi linguistique est avant tout de vivre en français. Il y a également ces écoles de l'île de Montréal où les jeunes issus de l'immigration apprennent tant bien que mal le français faute d'un nombre suffisant de francophones de langue maternelle. Vouloir bilinguiser la 6e année dans ces milieux est aberrant.

Dans ce domaine de l'éducation où il y a tant à faire, cette réforme majeure requerra l'essentiel de nos efforts et de nos ressources consacrés pendant des années à ce qui est fondamentalement un faux problème. Pour un peuple qui se veut majoritaire, les francophones québécois constituent déjà l'une des collectivités les plus bilingues de la planète. Mais autant il est nécessaire de répondre à la soif légitime d'anglais dans les régions francophones, autant il est irresponsable de vouloir bilinguiser rapidement l'ensemble de la population sans tenir compte des conséquences que cela aura forcément sur la motivation des immigrants à apprendre le français.

Aucune collectivité sur la planète n'a le même rapport que nous avec un anglais qui nous pénètre à de multiples égards, alors qu'on cherche en vain le pays qui aurait consenti ailleurs à une telle bilinguisation d'une année du primaire.

La bilinguisation intégrale de la 6e année rend compte d'une tendance de fond qui ne porte pas le Québec vers l'excellence, mais nourrit la médiocrité d'une société tentée par l'abdication de ce qu'elle est.

Les Québécois ressemblent furieusement ces temps-ci à une harde de caribous sans boussole et sans leader fonçant joyeusement dans le mur de leur non-avenir dans les deux langues.