Le vaste club des (supposés) mal-cités vient de s'enrichir d'un nouveau membre, Jim Balsillie, qui nie subitement avoir dit à La Presse que le Canadien de Montréal était à vendre. Une réaction compréhensible: son excès de candeur risque fort de compliquer ses efforts en vue de mettre la main sur une franchise de la LNH.

L'écho de la bombe que le cochef de la direction de Research in Motion (RIM) a larguée hier dans nos pages s'est vite répercuté jusqu'à Toronto, d'où l'avocat de Balsillie, Richard Rodier, a monté en vitesse une campagne de limitation des dégâts.

 

«Jim Balsillie ne détient aucune information selon laquelle l'équipe est à vendre et il n'a aucune raison de croire qu'elle l'est», m'a dit Rodier dans un entretien téléphonique, hier matin.

Habituel porte-parole de Jim Balsillie pour les questions de hockey, Me Rodier a martelé le même message sur toutes les tribunes québécoises et canadiennes qu'il a pu trouver.

Il admet que ma collègue Sophie Cousineau, qui a réalisé l'entrevue avec Balsillie, a correctement rapporté que ce dernier avait parlé de l'ambiance extraordinaire qui règne au Centre Bell. Il reconnaît aussi que l'homme d'affaires a qualifié de «pure folie» l'idée de déménager le Tricolore. «Un péché», a insisté l'avocat, hier. Mais à l'en croire, ma collègue aurait mal compris une phrase de cinq mots de Balsillie qui ne laissait pourtant guère place à l'interprétation: «The team is for sale.»

Malheureusement pour Jim Balsillie, il s'est exprimé non seulement devant ma collègue, mais aussi devant le vétéran photographe Bernard Brault. Et Bernard a entendu exactement la même chose: l'équipe est à vendre.

Ça ne veut pas nécessairement dire qu'une pancarte de Royal Lepage est à la veille d'être installée devant le Centre Bell. Ça ne veut même pas dire que le Canadien est vraiment à vendre. Ça veut dire que Jim Balsillie, un homme dont le désir d'acquérir une franchise de la Ligue nationale de hockey est de notoriété publique, a soutenu devant témoins que l'équipe est sur le marché. Et ça, c'est une nouvelle qu'un journal digne de ce nom doit rapporter.

C'est ce que nous avons fait, en donnant bien entendu la chance au propriétaire du Canadien, George Gillett, de donner sa version des faits, à savoir que la déclaration de Balsillie était une pure invention. Nous nous sommes aussi fait un devoir d'inclure le démenti non sollicité du commissaire de la LNH, Gary Bettman, qui a appelé La Presse à la demande de Gillett.

Bettman doit rire dans sa barbe aujourd'hui. Il est le grand gagnant de cette histoire. Le commissaire ne porte pas Balsillie dans son coeur depuis que celui-ci a tenté d'acheter les Penguins de Pittsburgh et les Predators de Nashville pour les déménager à Hamilton. La déclaration intempestive de l'homme d'affaires ontarien vient de lui donner un argument massue pour convaincre les gouverneurs de la Ligue que Balsillie est un électron libre dangereux qu'ils doivent garder à l'écart de leur petit club sélect.

En plus, Balsillie vient assurément de se faire un ennemi du propriétaire du CH. Ce n'est pas une très bonne idée. Gillett n'est pas seulement l'actionnaire de contrôle d'un des clubs les plus prestigieux de la Ligue - O.K., le plus prestigieux. Il siège aussi au comité de direction du conseil des gouverneurs de la LNH, où il exerce une influence considérable. Pas sûr que Gillett soit à la veille de faire des faveurs à Balsillie, malgré la lettre que celui-ci lui a apparemment adressée pour s'excuser de «la confusion» créée par l'exclusivité de La Presse.

Pour une raison inexplicable, Jim Balsillie a laissé échapper cinq mots de trop. Cinq mots qui rendent plus douteuse que jamais la possibilité que cet authentique amoureux du hockey finisse un jour par mettre la main sur un club de la LNH.