Le 25 avril, La Presse rendait publiques des données tirées d'une enquête de Léger Marketing dans un article intitulé Un rapport embarrassant pour Emploi-Québec. On y rapporte que «la plupart des bénéficiaires de l'aide sociale refuseraient un emploi au salaire minimum à cause des avantages qu'ils perdraient».

Cette extrapolation, basée à partir d'un échantillonnage de seulement 70 prestataires de l'aide sociale (soit 0,02% de tous les bénéficiaires) ayant des problèmes à réintégrer la population active (prestataires depuis plus de deux ans) a permis, encore une fois, d'alimenter les préjugés défavorables et de les généraliser à l'ensemble des prestataires. 

L'impact est encore plus dévastateur alors que la nouvelle est reprise dans différentes stations de radio sans que la taille de l'échantillon et que le profil soient stipulés, laissant ainsi planer l'idée que les prestataires demeurent à l'aide sociale par choix, comme si ces derniers bénéficiaient de nombreux avantages.

Pour nous, au sein des entreprises d'insertion qui travaillons quotidiennement auprès de ces personnes, ces résultats nous apparaissent peu conformes à la réalité. Dans les faits, à chaque année, un millier de bénéficiaires de l'aide sociale (soit 0,29% de tous les prestataires) acceptent un emploi au salaire minimum dans l'une des 47 entreprises d'insertion du Québec.

Ces individus qui entreprennent une démarche volontaire sont animés par le désir de se reprendre en main et de réintégrer le monde du travail bien avant d'évaluer l'aspect monétaire. Dans la société où nous vivons, le statut social, voire même l'identité des personnes, est trop souvent liée à l'emploi que nous occupons. Il est donc assez étonnant de lire que les prestataires de l'aide sociale s'y retrouvent par choix.

Il est faux de croire que la considération monétaire est l'unique facteur de décision ; l'estime de soi et la valorisation sociale sont aussi des éléments qui les influencent.

D'expériences, j'ai rarement côtoyé des personnes fières d'être à l'aide sociale. J'ai plus souvent rencontré des personnes qui vivaient de grandes difficultés personnelles et qui se sont vues exclues du marché du travail. Elles ont dû faire preuve de courage et de détermination pour s'en sortir et reprendre confiance en leur potentiel. Mais avant toute chose, elles ont dû avoir l'humilité de demander de l'aide.

Les préjugés ainsi véhiculés ajoutent des difficultés supplémentaires à ces personnes qui, avouons-le, n'en ont réellement pas besoin.

Nous devrions plutôt nous faire un devoir de dénoncer tout préjugé et encourager davantage les personnes qui démontrent la volonté de relever les défis de l'insertion socioprofessionnelle.

L'auteur est directeur général du Collectif des entreprises d'insertion du Québec.