En lisant l'article sur le plan de François Legault en éducation, j'ai eu un véritable choc.

L'occasion est belle pour une nouvelle formation politique de redéfinir les priorités et de proposer d'importants changements pour améliorer le fonctionnement de nos institutions, et à terme, celui de notre société. Mais ce n'est pas ce que fait M. Legault.

Il me semble pourtant qu'avant d'articuler quelque réforme que ce soit dans un milieu aussi névralgique que l'éducation, M. Legault et son équipe feraient bien de consulter le milieu élargi, et particulièrement, les enseignants qui en sont au coeur. S'il faisait cet effort, il se rendrait compte que dans ce milieu composé essentiellement de femmes, il est urgent de proposer des solutions pour le travail à temps partiel.

Est-il normal qu'une enseignante à statut précaire, jeune mère de famille, décide de ne pas faire usage de son congé de maternité au-delà de quatre mois par crainte de perdre sa place dans l'équipe? Qu'une maman de quatre jeunes enfants ne puisse travailler à temps partiel parce que sa commission scolaire ne l'autorise pas? J'ai connu ces cas.

Une autre problématique criante est le fameux ratio enseignant-élèves, qu'on nous promet toujours d'abaisser, sans qu'on voie pourtant des améliorations visibles dans les classes. C'est la seule façon pourtant de garantir que chaque élève bénéficie au mieux de l'attention de son enseignant, et que celui-ci ne finisse pas en épuisement professionnel comme cela arrive très souvent. Mais il faut pour cela combattre la pénurie en valorisant la profession, et en incitant les jeunes à embrasser le métier d'enseignant en la rendant attirante à leurs yeux!

M. Legault veut également abolir la permanence des enseignants au profit de contrats à durée fixe, mieux payés, mais dont le salaire serait fixé en fonction du rendement. Nous sommes déjà de trop nombreux profs à statut précaire à bouger d'une école à l'autre, d'une tâche à l'autre. Le roulement constant du personnel ne favorise ni l'implication des enseignants dans leur milieu, ni la stabilité à laquelle aspirent pourtant les élèves, les parents et ces mêmes enseignants. Et les permanents qui partent à la retraite sont remplacés par des contractuels et du personnel à taux horaire, parfois même sans brevet d'enseignement, qui ne savent pas ce qui les attend d'un mois et d'une année à l'autre.

Vous parlez d'évaluation des profs, de rendement? Sachez que nos meilleurs juges seront toujours nos élèves! Si l'enseignant est vraiment incompétent ou se traîne les pieds, cela se sait très vite. Il est à noter aussi que la plupart des évaluations réalisées par les directions en début de carrière, ces évaluations qui garantissent aux profs leur entrée sur une liste de priorité, sont le plus souvent rédigées sans qu'aucune visite ait eu lieu dans nos classes! On consulte les collègues, on écoute la rumeur, et celle-ci détermine si l'évaluation sera positive, négative ou mitigée. La plupart du temps, il n'y a aucune mesure d'encadrement, de parrainage ou de marrainage en milieu de travail, et on exige des nouveaux enseignants qu'ils sachent s'y prendre bien dès le départ... sinon personne ne les rappellera, ou alors en désespoir de cause, car la pénurie est réelle.

Nous manquons définitivement d'enseignants qualifiés, et tout ceci ne va pas encourager les jeunes à faire carrière en éducation, bien au contraire. Des salaires bonifiés, soit... mais pas au détriment des conditions de travail.

La plupart des enseignants que j'ai rencontrés jusqu'ici dans ma carrière étaient des gens compétents, dévoués, qui ne comptaient ni leur temps, ni leur énergie. Ne devrait-on pas les remercier de cela et les encourager à continuer de s'améliorer plutôt que de les précariser davantage et d'augmenter les mesures de contrôle abusives? Le Québec a besoin de ses enseignants! Il en va de l'avenir des enfants et des jeunes adultes de notre société.