Nous publions aujourd'hui le second éditorial sur l'avenir des États-Unis.

«Les civilisations ne sont pas assassinées, elles se suicident», constatait l'historien britannique Arnold Toynbee, il y a un demi-siècle. «Le déclin d'une nation est un phénomène en partie psychologique», juge aujourd'hui le journaliste canadien Mark Steyn dans un ouvrage paru il y a trois jours et déjà best-seller, After America (Après l'Amérique).

Si Toynbee se consacra largement aux empires anciens, Steyn, lui, fait la chronique d'une décadence à venir: celle des États-Unis d'Amérique.

Et qu'il soit un polémiste de droite n'a rien à y voir: le même verdict a déjà été prononcé par de nombreux polémistes de gauche, dont Naomi Wolf dans The End of America (La Fin de l'Amérique). La différence? L'une voit l'Amérique assassinée par le fascisme. Pour l'autre, l'hyper-puissance se suicide par suffocation économique, intellectuelle et culturelle.

Or, cette seconde analyse semble mieux expliquer l'affaire.

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Qu'est-ce qui frappe, en effet, dans la situation actuelle des États-Unis?

L'économie, bien sûr. Une dette publique alourdie sous Bush fils de 3000 milliards $US par des réductions d'impôt mal pensées et deux guerres, l'une injustifiée, l'autre mal conduite. Sur cette lancée, le paiement des intérêts sur la dette deviendra en 2055 égal aux revenus totaux de Washington!

Ça ne tiendra évidemment pas.

En outre, plus que de dollars, on parle ici de facultés intellectuelles en déclin ou handicapées par les idéologies.

En économie, justement, on trouve aux États-Unis un prix Nobel (Paul Krugman) qui, en 2008, annonçait un... miracle économique européen! On trouve aussi des scientifiques créationnistes, l'oxymoron parfait. Et des militaires qui n'ont pas réagi lorsque le major Hassan, le tueur de Fort Hood, a annoncé qu'il se battrait pour Allah. En mathématiques, les étudiants américains se classent au 37e rang dans le monde. Et la moitié des étudiants en science et en génie sont des étrangers... qui retournent de plus en plus chez eux.

Conséquence: l'Amérique a aujourd'hui du mal à inventer et à bâtir.

Depuis le début du siècle, le nombre de molécules pharmaceutiques mises en marché a diminué de moitié. Dix ans après septembre 2001, aucun édifice ne s'élève à Ground Zero alors que, en pleine dépression, l'Empire State Building a jadis été construit en 18 mois. Et, pour la première fois depuis sa création, la NASA n'a plus de projets; plus grave encore, cette agence qui présida à la plus formidable aventure humaine de l'Histoire n'a plus de rêves.

Le blason de la NASA sera peut-être un jour l'emblème de la déconfiture de la nation. De ce que Steyn nomme le «cauchemar américain».

 

À lire aussi, le premier éditorial sur l'avenir des États-Unis: «L'empire blessé»